Le 57ème Régiment d’Infanterie en Argonne – 1ère période (6 juin au 30 septembre 1916)

Le 57ème R.I. en Argonne

 

1ère période : 6 juin au 30 septembre 1916

 

Après les dures journées de Verdun, le 57ème R.I. va reprendre la vie de secteur. Le 18ème C.A. que le général Hirschauer va commander le 22 juin, est rattaché à la 4ème armée et relève le 10ème C.A. en Argonne, en avant de Sainte-Menehould, où se trouve le Q.G. du Corps d’Armée.

La 36ème D. I. tient, vers la plaine, Moiremont, Vienne-la-Ville, Saint-Thomas, Vienne- le-Château ; la 35ème D.I., ayant son Q. G. à Florent, occupe la gorge de Biesme, entre Vienne-le-Château et le Four-de-Paris.
La 70ème Brigade prend la place de la 262ème B. I. (7ème et 14ème R. I.) dans le secteur de la Harazée, 11 Km. nord de Sainte-Menehould. L’artillerie est en position sur la falaise qui, au sud, domine à pic la vallée de la Biesme, l’infanterie s’établit au nord de cette vallée, sur les lisières du bois de la Gruerie. Les pentes très rapides et cependant moins abruptes de cette rive nord, les digitations en éventail limitées par les ravins, qui déversent vers la rivière les eaux de ce versant, sont creusées d’un réseau de tranchées et de boyaux.

Au 57ème R.I. qui remplace le 14ème R.I., échoit le sous-secteur Villars, devant la Harazée, autour du ravin de la Fontaine- aux-Charmes et du layon de Binarville. Ce sous-secteur se divise en deux centres tenus chacun par un bataillon : centre G au sud-est, P.C. Kellermann ; centre H au nord-ouest, P.C. Turenne. Le P.C. du Colonel, P.C. Villars, est situé dans un ravin à l’ouest de la Harazée et du layon de Binarville.

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Les bataillons entrent en ligne successivement et cantonnent, la veille de la relève, au camp de Dubiefville, sur la route de Sainte-Menehould à Florent, dans les bois du sud-est de ce village. Commencée, le 9 juin au soir, par le 1er Bataillon qui va au centre G, cette relève est terminée, le 10, par le 2ème Bataillon qui va au centre H. Le 13, le 3ème Bataillon s’installe au camp de Dubiefville, les T.R. au camp de la Liarde, au nord-est de Sainte-Menehould, près de la route de Florent, et le T. G. à Florent.

Chaque centre est occupé par une garnison répartie en :

a) Unités de première ligne surveillant et défendant le terrain;

b) Unités de garnison des ouvrages, réduits et barrages, devant tenir la position jusqu’au bout et barrer les voies d’accès;

c) Unités en réserve à la disposition du chef de bataillon. Une réserve éventuelle, à la disposition du Colonel, est formée par des unités n’appartenant pas aux bataillons en ligne et des isolés divers stationnés autour du P. C. Villars.

12 sections de mitrailleuses sont réparties dans le secteur : 5 en G, 6 en H, 1 en réserve à P. C. Villars. Des engins de tranchée, matériel de secteur, sont desservis par les bombardiers du 57ème R.I. : 1 canon de 37, 1 de 47, une batterie de mortiers de 75, des mortiers Cellerier et Hachette; 1 groupe de
58 T. est affecté à chaque centre.

Le 24ème R.A.C., en position au sud de la Biesme, avec une batterie de flanquement sur la rive droite à La Chalade, détache un officier de liaison auprès du Colonel. Une demi-compagnie du génie est affectée au sous-secteur pour la construction d’abris à l’épreuve.

Dans ce pays couvert, où la liaison optique est impossible, où les fusées sont mal vues, où le réseau téléphonique est fréquemment coupé, la liaison entre le Colonel et les chefs de bataillon se fait surtout à l’aide de coureurs, qui se passent le message de main en main.

Un P.S. est installé auprès de chaque chef de bataillon, le P. S. central est à P. C. Condé, où se trouve l’E.-M. de la brigade. Des autos sanitaires stationnent au P. S., d’Assas, près de la Harazée.

Le séjour en secteur de chaque bataillon est de 12 jours, suivis de 6 jours de repos. Les bataillons passent successive- ment dans chaque centre.

Sur ce terrain, où la lutte a été chaude pendant l’année 1915, où les gaz asphyxiants, la guerre de mines ont été largement employés, le calme relatif règne maintenant, sauf le « crapouillotage » continuel de la première ligne; sur une étendue de 300m, le sol est complètement bouleversé et les arbres déchiquetés. Le service de veille est très sévère, pour parer aux surprises facilitées par les couverts et les layons.

En revanche, la vie est agréable dans la ravissante vallée de la Biesme, où les imités en soutien ont des abris confortables, creusés dans la falaise, et trouvent : vivres, vins, papeterie, etc., à la Coopérative de la Harazée.

A partir du 1er juillet le bataillon au repos va au camp de Croix-Gentin avec une compagnie au Rond-Champ.

Chaque nuit, en avant de chaque centre, une patrouille explore le terrain, souvent fort difficile surtout par les nuits obscures, et reconnaît le réseau ennemi. Ces expéditions sont très appréciées au Régiment ; les patrouilleurs, rivalisent de sang-froid et de mordant et s’aventurent très en avant pour rapporter des renseignements. Ils échangent coups de feu et de grenades avec les Allemands; plusieurs d’entre eux sont blessés au cours de ces engagements, l’un d’eux est tué.

Le 30 juin et le 4 juillet, deux renforts, d’une cinquantaine d’hommes chacun, viennent relever les effectifs appauvris par les vides de Verdun.

Le 7 juillet, les bataillons sont réduits à 3 compagnies ; en revanche ils reçoivent chacun une des trois compagnies de mitrailleuses. Les quatrièmes compagnies de chacun des bataillons sont groupées à l’arrière et forment le dépôt divisionnaire (D. D.). Ce dépôt, qui, plus tard devient le centre d’instruction divisionnaire (C. I. D.), constitue un réservoir d’hommes, proche des premières lignes, pour les régiments de la division. Ces compagnies quittent le Régiment la 4ème le 7 juillet, la 8ème le 8, la 12ème le 14, après avoir recomplété les trois autres compagnies à l’effectif de 200 hommes.

Le 11 juillet, le commandant Bonnaudet, malade, est évacué et le 1er août, le commandant Bellon prend le commandement du 2ème Bataillon.

Le 30 juillet des brisques d’ancienneté, « chevrons », sont placées sur la manche gauche de la capote, un chevron pour la première année de présence au front, un autre pour les six mois suivants.

Le 31 juillet, une vingtaine d’hommes du 1er Bataillon tentent un coup de main sur une tranchée au point G, près du layon de Binarville, qu’ils trouvent vide ; trois d’entre eux sont blessés par balles. Le 2 août, de ce même point G une dizaine d’Allemands cherchent à aborder la tranchée devant la 2ème Cie
qui les repousse à coups de fusil et de grenades.

La surveillance du terrain devant être incessante et les guetteurs ne pouvant pas sans danger regarder par-dessus le parapet, on installe à travers la toiture de certains abris un grand périscope, qui permet d’observer en restant à l’abri. La section de camouflage de Châlons, au cours d’une nuit, fait abattre un arbre au centre G, et le remplace par un observatoire ayant la forme de cet arbre et contenant un siège pour le guetteur qui peut voir à travers un trou ménagé à cet effet.

Le 12 août le Régiment reçoit des grenades Viven-Bessières (V. B.) que lance un tromblon fixé au bout du fusil.

Dans la nuit du 15 au 16, une forte patrouille, venue du point E, tente d’aborder devant le centre II, la Tranchée Circulaire tenue par la 11ème Cie. Signalée par le sergent Garrigues, elle est arrêtée par un vigoureux barrage à la grenade au moment où elle atteint notre réseau. Ayant épuisé leurs grenades, les Allemands se replient, emportant leurs blessés dont on entend les cris de douleur. Le chef de cette patrouille, sous-officier du régiment n° 78, qui a réussi à sauter dans la tranchée, est saisi par le sous-lieutenant Vié. Une lutte corps à corps s’engage; accouru à l’aide de son chef, le soldat Martin tue son adversaire d’un coup de baïonnette. De notre côté un seul blessé, le sergent Garrigues, atteint légèrement à la tête par un éclat de grenade.

A partir du 19, des gradés et quelques soldats sont envoyés à l’arrière, à des cours de perfectionnement et de spécialités, groupés pour la plupart au D. D. Des officiers suivent au camp de la Noblette, près de Châlons, des cours de chef de section ou de commandant de compagnie; les chefs de bataillon font à Châlons un stage d’information d’armée.

Ainsi, chacun est mis à même de connaître les nouveaux armements et leur application à la manœuvre. Les hommes au repos se perfectionnent dans l’emploi de ces engins et, sous l’impulsion de leurs moniteurs, joueurs de balle habiles, rapidement ils prennent une supériorité très nette sur leurs ennemis dans les combats à la grenade.

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Le 22 août, une patrouille, qui s’approche de notre réseau aux abords du layon de Binarville, est rapidement repoussée à coups de grenades.

Le 26 août la 71ème Brigade est retirée du front du 18ème C.A. pour aller en Champagne ; son secteur est partagé entre la 72ème B.I. et la 35ème D.I. La 70ème B.I. s’étend vers l’ouest. Le 144ème R.I. remplace au centre G, P.C. Kellermann, le 1er Bataillon qui, dans la même nuit, relève au centre L, P.C. 4, un bataillon du 49ème R. I. ; le 3ème Bataillon, au repos à Croix-Gentin, relève un bataillon du 49ème R.I. au centre M et dans la moitié du centre P, P.C. M. Le 57ème R.I., qui a ses trois bataillons en ligne, glisse ainsi sur la gauche, au-delà de la Fontaine-Houyette et transporte, le 30, son P. C. au P. G. La Tour-d’Auvergne et son P. S. central au camp de la Houyette.

Le 28, des pancartes, portant en gros caractères la nouvelle de la déclaration de guerre de l’Italie à l’Allemagne et de la Roumanie à l’Autriche, sont placées en évidence au-dessus de nos tranchées; des écrits annonçant ces mêmes événements sont envoyés à l’aide de fusées dans les lignes ennemies. En avant du centre H, un Allemand répond en hurlant : « Inutile d’écrire vos papiers en allemand, nous connaissons le, français ! ». A 21 heures, sur le front du corps d’armée, une manifestation en l’honneur de l’entrée en guerre de la Roumanie, coups de canons, fusillade, lancement de fusées, cris, provoque une riposte de l’ennemi, particulièrement violente dans la vallée de la Biesme. En avant des trois centres du 57ème R.I., l’échange de grenades dure plusieurs heures.

Pendant les derniers jours d’août et le mois de septembre c’est un bombardement réciproque continuel par grenades, torpilles et minen.

Le secteur de la Tour d'Auvergne occupé par le 57ème R.I. - 29-30 août 1916

Le 3 septembre, relevé dans le centre H par le 144ème R.I., le 2ème Bataillon va occuper la moitié du centre P, jusque-là tenue par une compagnie du 3ème Bataillon. Ainsi les 1er et 3ème Bataillons ont deux compagnies en ligne et une en réserve, le 2ème Bataillon une compagnie en ligne, une en réserve, la troisième formant réserve de brigade aux camps Condé et Guyard. Les trois C.M. sont en ligne.

Le 15 septembre, le 49ème R.I., revenu au 18ème C.A., reprend une partie du centre P, le reste de ce centre est occupé par le 3ème Bataillon, tandis que le 2ème va au repos à Croix-Gentin, laissant une compagnie au camp Condé.

Le 22 septembre, le 2ème Bataillon prend la place du 49ème R.I. dans le centre U et dans partie du centre P, deux compagnies en ligne et une en soutien.

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A partir du 28 septembre, la 35ème D.I. est relevée par la 41ème D.I.; le 57ème R.I., dans la nuit du 29 au 30, par le 133ème R.I. Il va cantonner à Sainte-Menehould, détachant le 2ème Bataillon à Verrières.

Pendant ce séjour de près de 4 mois, le 57ème a travaillé sans relâche aux aménagements de tranchées et de boyaux, à la construction d’abris, au renforcement des défenses accessoires et au perfectionnement des liaisons si délicates en ce pays couvert et accidenté. Les canonnades, les tirs d’engins de tranchée, retentissant d’un roulement tout particulier dans les ravins boisés, les tirs de mitrailleuses aux aguets, les combats de grenades, les patrouilles fréquentes, les coups de main répétés montrent l’activité et le mordant des unités en secteur.

Le fantassin français déploie dans ces opérations des qualités qui en imposent à l’ennemi et établissent un réel ascendant sur lui.

Les combats à la grenade, les tirs d’artillerie ennemie causent des pertes assez sensibles : 1 officier tué (sous-lieutenant Gardera) et 2 blessés (lieutenant Becker, sous-lieutenant Tourteau); 19 hommes de troupe tués et 49 blessés, soit 71 hommes.

L’état sanitaire reste excellent, malgré l’humidité de ce secteur boisé. Profitant de la tranquillité relative qui y règne, les vaccinations antityphoïdiques sont reprises. Afin d’éviter aux hommes les risques d’infection par l’eau des ruisseaux, dont les sources sont chez l’ennemi et qui, descendant vers la Biesme, traversent les terrains souillés par les luttes des mois précédents et le séjour prolongé des troupes, interdiction est faite -de boire de ces eaux. Des barils d’eau, stérilisée au camp de la Houyette, sont portés par des mulets aux P.C. des chefs de bataillon et répartis dans les Compagnies. Les rats, qui pullulent dans le secteur et envahissent les abris, sont pourchassés et détruits par tous les moyens.

L’évacuation des blessés et malades sur les ambulances du Souniat, de Sainte-Menehould et l’H.O.E. de Villers-Daucourt est facilitée par une route, en partie construite depuis la guerre et bien entretenue, qui longe la rive droite de la Biesme, du Four-de-Paris à Vienne-le-Château. Les voitures automobiles sanitaires viennent chercher les évacués jusqu’aux P. S. régimentaires, échelonnés le long de cette route.

 

Source : Le 57ème R.I. pendant la guerre 1914-1918

2ème période : 15 juin au 20 août 1918 >

 

 

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