8 et 9 novembre 1916 : Récit d’une écoute française dans le secteur de la Harazée

Récit d’une écoute française

dans le secteur de la Harazée

8 et 9 novembre 1916

 

 

Les 8 et 9 novembre 1916 un poste d’écoutes français, installé dans le secteur de la Harazée, capte de nombreuses conversations téléphoniques échangées par les allemands à la suite d’une attaque par gaz déclenchée contre eux dans la nuit du 8 au 9 ; conversations qui donnent des renseignements détaillés sur les résultats de l’attaque, les pertes, les noms d’officiers et hommes de troupe occupant le secteur. Le détail des conversations est donné par le procès verbal d’écoutes suivant :

  

8 novembre 1916.

22h24 :

Allô le secteur. Allô le groupe. Alerte. Attaque au gaz. Il nous faut le soutien de .l’artillerie.

Que les batteries n’aillent pas tirer trop court !

Qu’elles augmentent plutôt la distance.

Ici le Central. N’ouvrez pas le feu encore.

22 h 31 :

Groupe I : ouvrez le feu.

Toutes les batteries : Ouvrez le feu. Central, l’observateur III, je vous prie.

22 h 54 :

L’affaire n’a pas marché dans l’infanterie.

S’ils avaient rendu compte de la chose immédiatement, le tir de notre artillerie aurait pu y mettre ordre dès le début.

Dis donc, j’ai une nouvelle cartouche à mon masque heureusement et j’en étais bien content. Nous avons à nous plaindre de l’infanterie. Il y a bien une espèce de cloche pour l’alarme, mais elle n’a sonné que longtemps après. Il m’a fallu courir de tous les côtés ; j’ai fini par les trouver ; ils étaient assis tous sur les escaliers et ne savaient plus que faire. J’espère que cela ne se reproduira plus.

23 h 05.

Ici l’observatoire I. Donc à 10h15 tout le monde a été alerté, puis l’observatoire II a demandé un tir d’artillerie de sa propre autorité, sans seulement nous en avertir.

La nappe arrivait assez dense et tous avaient les masques. Dans mon secteur il ne s’est rien passé. Je ne suis pas loin du Commandant de compagnie, si vous avez quelque chose pour lui mon lieutenant ?

23 h 35 :

Puis-je avoir le lieutenant Schmidt ? Ici l’observateur II, sous-officier Hufland de l’observatoire II. Observateur, j’étais personnellement là-bas, sur la banquette de tir avec le Commandant de compagnie et j’ai pu observer toute l’action. La nappe de gaz était très dense, mais évidemment trop courte. Ensuite tout s’est voilé et l’artillerie ennemie s’est mise à tirer.

23h44 :

Oui, Meister est très indisposé, Borowsky l’a descendu à Schwabenschlucht, chez le médecin.

Il n’avait donc pas de masque ?

Si, il a son masque, mais l’alerte a été donnée trop tard et il en a pris une bonne prise. Il y en a quelques-uns ici déjà qui ont claqué.

 

9 novembre 1016.

7h20 :

Eh bien ! Willy, te voilà encore en vie ?

Mais oui, j’ai pu traverser le nuage de gaz ; mais il était temps.

Le nuage était assez épais et naturellement nos appareils de secours n’ont pas fonctionné. Ah ! Richard, un instant de plus et nous étions tous morts.

Avez-vous mis les masques ?

Mais naturellement, sinon je ne serais pas à l’appareil maintenant.

J’ai aussi perdu un téléphoniste ; il y a beaucoup de malades ; à la 4e compagnie, il manque 4o hommes. A l’observatoire quelques-uns ont dû vomir. Nous aurons tout à l’heure des renseignements plus précis. Ce n’était pas agréable,

9h05 :

Ici le bureau. Voici le capitaine.

Lieutenant Kran, pouvez-vous me rendre compte, je vous prie, comment l’affaire des gaz s’est passée hier ?

Oui, mon capitaine; je vais vous lire le compte rendu. Ecrivez, je vous prie. La nappe de gaz fut lancée à 11 heures. C’était un nuage blanc qui s’étendait très vite, bien que le vent ne fût pas très fort. En même temps que la nappe de gaz, il y eut une surprise par le feu sur le secteur 11-12. La nappe de gaz resta un quart d’heure dans les tranchées. On put ensuite se risquer à sortir. L’odeur était très désagréable et insupportable. On observa chez les hommes des quintes de toux, des vomissements, des crachements de sang. La nappe n’était pas si dangereuse ici qu’à la 4ème  Compagnie.

Je n’ai pas d’autres précisions jusqu’à présent. Nous avons beaucoup de malades, mon capitaine.

 

 Source : Revue du Génie Militaire – Tome LV – Juillet à décembre 1924

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