24 décembre 1915 : Rapport du Général HUMBERT, Commandant la IIIème Armée, sur la guerre de mines
Rapport du Général HUMBERT,
Commandant la IIIème Armée
IIIème Armée
Génie
Q.G.A, le 24 décembre 1915
Le Général HUMBERT,
Commandant la IIIème Armée
A Monsieur le Général
Commandant le Groupe des Armées du Centre
J’ai l’honneur de vous adresser ci-dessous les réponses aux questions posées dans la note n°8377 du 15 décembre 1915 du Général Commandant en Chef.
a) Les points du front de la IIIème Armée sur lesquels il est fait de la guerre de mine sont les suivants :
Secteur du 10ème C.A. (de l’Aisne au Four-de-Paris)
Dans ce secteur il n’a été fait de mines que dans la partie boisée, c’est-à-dire de la lisière Ouest de la forêt jusqu’au Four-de-Paris.
Dans cet intervalle il a été établi un système de mines défensif, le long duquel la guerre de mine ne s’est développée, d’ailleurs sans grande activité, que dans la partie est, entre le ravin de la Fontaine-aux-Charmes et le Four-de-Paris.
Sur le reste du secteur le travail est réduit à un système d’écoute.
Secteur du 5ème C.A. (Four-de-Paris à Avocourt)
Des travaux de mines ont été entrepris en Argonne depuis le Four-de-Paris jusqu’à 500 mètres à l’est de la Haute-Chevauchée soit sur un front de 4 kilomètres. Ces travaux ont été entrepris en principe dans un but défensif. Cependant les circonstances locales ont conduit à leur donner en certains points un caractère offensif : c’est ainsi que sur le plateau de la Fille-Morte, à l’est de la Haute-Chevauchée, la supériorité que nous avons prise sur le mineur ennemi, a permis de pousser en avant des galeries profondes, au moyen desquelles on a atteint et détruit quelques petits postes ennemis placés dans une situation gênante pour nous.
A l’est de l’Aire, une attaque en mine est dirigée sur un ouvrage allemand situé au coude de la route de Vauquois à Boureuilles (ouvrage du V de Vauquois). Les travaux correspondant qui avaient eu d’abord un caractère offensif, puisqu’ils avaient pour but d’appuyer en mars dernier une attaque en ce point, n’ont plus actuellement qu’un caractère défensif.
Enfin, une guerre de minen très active se poursuit dans Vauquois sur un front de 350 mètres environ avec un caractère à la fois défensif contre les travaux souterrains allemands et offensif puisqu’elle se propose et atteint souvent, la destruction et le recul des organisations allemandes.
Secteur de la 29ème D.I. (d’Avocourt à Béthincourt)
Guerre de mines défensive dans le bois de Malancourt aux abords des lisières ouest et est.
b) Les unités employées aux travaux de mine sont :
Secteur du 10ème C.A. : 2 compagnies et demie du Génie
Secteur du 5ème C.A. : 9 compagnies du Génie dont 6 en Argonne et 3 à Vauquois
Secteur de la 29ème D.I. : 2 compagnies du Génie
Comme engins spéciaux il est utilisé pour les travaux de mines trois groupes compresseurs avec marteaux piqueurs et perforateurs : un dans les Courtes-Chausses, un vers la cote 285 (Est de la Haute-Chevauchée), un au bois de Malancourt.
La IIIème Armée vient en outre d’être dotée de 6 appareils pour mines tubées. La dureté du sol en Argonne en restreindra l’emploi, on en est pour ce matériel dans la période des tâtonnements. Il n’est d’ailleurs pas encore arrivé en entier.
Deux boucliers Morane dont l’emploi avait été tenté à la lisière est du bois de Malancourt n’ont pu donner de résultats à cause de la présence du roc : ils ont été renvoyés à l’arrière.
c) Il est nécessaire que l’Armée reçoive pour les travaux de mines 3 groupes compresseurs avec marteaux piqueurs et perforateurs : 2 pour le secteur du 5ème C.A., 1 pour le secteur de la 29ème D.I. Ces groupes ont été demandés en même temps que les deux autres destinés à la construction d’abris-cavernes. Il serait désirable que chacun de ces groupes soit scindé en deux parties : d’une part le moteur et de l’autre le compresseur, chacune d’elles étant établie sur une voiture relativement légère ; le groupe actuel monté sur un camion unique est trop lourd et difficilement transportable.
L’outillage de mineur est suffisant : il conviendrait toutefois de remplacer le pic ordinaire par un pic plus léger du modèle des pics de mineurs du Nord.
Les dimensions des bois de mines peuvent être conservées ; il faudrait seulement renforcer le tenon du châssis pour rameau de combat.
Le mode d’aération des galeries est à perfectionner. La ventilation par les compresseurs à air donne d’excellents résultats, mais dans les endroits où l’on ne dispose pas de compresseurs, les ventilateurs sont insuffisants ; ils sont en outre trop bruyants. Il serait utile d’autre part d’avoir un procédé sûr qui permette de déceler la présence de l’oxyde de carbone avant que l’air des galeries soit devenu mortel : l’emploi des souris n’est pas toujours possible et par ailleurs aléatoire. Les appareils DRAEGER qui sont bons, ont une durée trop courte ; ils seraient plus commodes s’ils étaient portés sur le dos au lieu de l’être sur la poitrine.
Les appareils d’écoute son en nombre suffisant, parmi eux les géophones sont les plus appréciés.
d) Le personnel des Officiers du Génie employé à la guerre de mines est suffisant dans les conditions actuelles
e) Les Officiers du génie qui ont acquis une expérience particulière de la guerre de mines sont les suivants :
Capitaine BLANC, Compagnie 5/4
Sous-lieutenant POUILLE, Compagnie 5/4
Capitaine LAIGNIER, Compagnie 5/1
Capitaine HEINRICH, Commandant le Génie de la 131ème D.I.
Capitaine ZOBEL, Compagnie 5/3
Capitaine HULIN, Compagnie 10/3
Lieutenant BOUDIER, Compagnie 10/1
Capitaine JOUANNIQUE, Compagnie 15/1
Pour répondre d’une façon complète, aux questions posées par la note 8377 du G.Q.G. il y aurait à ajouter à ce qui précède les résultats de l’examen des diverses parties du front de la IIIème Armée, sur lesquelles il pourrait y avoir intérêt à entamer la guerre de mines (question posée par le paragraphe 2 de la note précitée)
A priori, je ne vois pas d’intérêt à ces opérations, car une guerre de mines, pour donner des résultats vraiment appréciables, nécessite un personnel du Génie extrêmement considérable. Or le terrain de l’Argonne est particulièrement difficile, il ne semble pas se prêter à des offensives de grande envergure, et dans ces conditions, j’estime que la guerre de mines doit y revêtir un rôle plutôt défensif.
Toutefois la question est à l’étude dans les corps d’armée, elle fera l’objet d’une réponse spéciale.
Je me borne en terminant, joindre à la présente lettre les rapports techniques des Officiers du génie qui, comme exécutants, ont participé à des opérations de guerre de mines de quelque importance.
HUMBERT