Lettres de François PIERRE (4ème R.I. puis Compagnie 5/2 et 5/4 du 1er R.G.) – Les dernières lettres, juillet 1915

Lettres de François PIERRE

Soldat au 4ème R.I. puis à la Compagnie 5/2 puis 5/4 du 1er R.G.

 

 

LETTRE DU MERCREDI 7 JUILLET 1915

Argonne, 1er régiment génie, Compagnie 5/4

Ma chère Mathurine,

Je m’empresse de t’écrire deux ou trois mots pour te dire que je suis toujours bien portant et en bonne santé et je désire que tu sois de même à l’arrivée de ma carte qu’elle me quitte.

Enfin, ma pauvre Mathurine, je te dirai que j’ai reçu des nouvelles de ma soeur Marie Anne hier, toujours avec grand plaisir en sachant que vous êtes toujours en bonne santé et elle m’a envoyé un petit Sacré Cœur de Jésus et un supplément de journal.

Enfin, je te dirai que je suis dans les tranchées depuis le 4 juillet. je te dirai le repos de 4 jours a été bien passé et bien utilisé car c’était la noce tous les jours.

Je te dirai que je travaille toujours dans les mines.

Enfin, rien pour le moment. Je finis ma carte en t’embrassant toujours le plus profond de mon cœur et embrasse bien fort mes petits-enfants pour leur papa.

PIERRE François

 


LETTRE DU JEUDI 8 JUILLET 1915

Argonne, 1er régiment génie, Compagnie 5/4

Ma chère Mathurine,

Je te rends la réponse de ton aimable lettre qui me fait toujours grand plaisir de savoir de tes nouvelles et surtout en sachant que tu es toujours en très bonne santé ainsi que mes chéris petits mignons enfants. Quant à moi, ma pauvre Mathurine, je me porte toujours en très bonne santé et de merveille, et je désire que ma charmante lettre te trouve de même qu’elle me quitte.

Alors, ma chère Mathurine, tu me dis dans cette lettre que mon petit Alphonse a reçu sa petite bague mais je voudrais bien savoir si tu as reçu les deux autres car il y avait une pour ma sœur Marie-Anne et l’autre pour Madame Bourgoin que j’ai envoyées un jour après.

Enfin, comme nouvelle de l’Argonne, ma chère Mathurine, c’est toujours bien triste. Il y a plus de tranchées. Elles sont toutes démolies avec les obus et les mines et on ne sait jamais plus où se mettre à l’abri des balles. Il y a toujours des bombes asphyxiantes. L’autre jour, à côté de notre mine, la sape auprès de moi, il y avait de mes camarades qui étaient prêts à mourir avec les gaz de mine que les boches venaient de faire sauter. Heureusement que je suis trouvé dans ma sape. Il y avait l’infanterie qui est venu me prévenir et j’ai pris la ceinture de sauvetage et je l’ai arraché de leur mine. Voilà le quatrième que je sauve depuis que je suis au génie.

Enfin, rien pour le moment car je reste dans mon trou encore pour 3 heures. Je finis ma lettre en t’embrassant toujours le plus profond de mon cœur et embrasse mes petits mignons pour leur papa.

PIERRE François

 


LETTRE DU SAMEDI 10 JUILLET 1915

Argonne, 1er régiment génie, Compagnie 5/4

Ma chère Mathurine,

Je m’empresse de t’écrire deux ou trois mots pour te dire que je viens de recevoir ton aimable lettre avec toujours grand plaisir de savoir de tes nouvelles et surtout en sachant que tu es toujours en très bonne santé ainsi que mes petits chéris enfants que je pense toujours à eux.

Enfin, ma pauvre Mathurine, pour moi la santé va toujours très bien et je désire que ma charmante lettre te trouve de même qu’elle me quitte.

Enfin pour les nouvelles, c’est toujours le même, c’est toujours la souffrance et la misère d’être 10 jours dans les mines à boire de l’eau et des repas froids. Enfin, personne dans le civil peut comprendre cette vie qu’on a dans les tranchées et surtout les mines car il faut avoir du sang froid pour pouvoir résister sous la mitraille et les obus. Et dire qu’il faut y rester du matin au soir quand même, et de voir (les) pauvres cadavres en sous nos pieds de chaque instant.

Enfin, ma pauvre Mathurine, rien pour le moment. Je finis ma lettre en t’embrassant toujours au plus profond de mon cœur en attendant la joie et le plaisir de te revoir.

Embrasse toujours bien fort mes chéris petits enfants pour leur papa.

PIERRE François

 

EPILOGUE

 

 

Ce sera la dernière lettre de Pierre…

Il disparaitra quelques jours plus tard lors de l’offensive allemande des 13 et 14 juillet…

Et Mathurine continue d’écrire malgré le retour de ses différents courriers avec la mention « le destinataire n’a pu être atteint, retour à l’envoyeur. »

Mais le 8 août 1915 elle reçoit une lettre réponse du Capitaine Blanc, commandant de la Cie 5/4 qui lui annonce que le soldat PIERRE a disparu au cours des combats des 13 et 14 juillet en Argonne…

Tout laisse croire à un ensevelissement dans une mine lors de l’attaque allemande du 13 juillet.

La voici veuve de guerre. Elle n’a que 25 ans…

En juin 1923, Mathurine part pour l’Argonne…seule. Dans ses mains elle tient, pliée en quatre, l’invitation du Comité Commémoratif de l’Argonne à l’inauguration de l’ossuaire de la Haute Chevauchée élevé à quelques centaines de mètres du lieu où son époux est tombé 8 ans auparavant.

Les restes de son époux y- reposent peut être…

Après un voyage épuisant qui la mena par le train jusqu’à Clermont-en-Argonne, Sainte-Menehould, puis aux Islettes et la Haute-Chevauchée en carriole, cette petite bretonne illettrée et parlant breton accompagné de quelques mots de français arrive à l’inauguration de l’ossuaire de la haute-chevauchée. Elle fut bouleversée par les images de dévastation qu’elle rencontra et fit apposer à l’entrée du monument une plaque à la mémoire de son époux.

Marie-Mathurine a toujours porté le deuil de son époux. La nuit du 13 au 14 juillet de chaque année était une veillée du souvenir … la photo de François trônant entre deux candélabres.

Elle s’éteindra le 5 janvier 1964 au Mans.

L’invitation qui, le 17 juin 1923, emmena Mathurine à l’inauguration de l’ossuaire de la Haute Chevauchée, érigé à quelques centaines de mètres du lieu ou son mari tomba pour la France.

 

La plaque commémorative mise en place par Mathurine dans l’ossuaire de la Haute Chevauchée

La fiche matricule de François PIERRE

La fiche Mort Pour la France de François Pierre.

 

< Lettres de juin 1915

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