Lettres de Jan Praud, 6ème RIC, tué au bois de la Gruerie le 14 juillet 1915

Lettres du soldat Jan Praud,

6ème RIC, 9ème Compagnie

 

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Jean-Marie dit Jan Praud mort pour la France le 14 juillet 1915

Jean-Marie dit Jan PRAUD est né le 8/02/1885 à Blain en Loire-Atlantique. Il a 30 ans quand la guerre est déclarée. Voyageur et aventurier, un peu tête brulée dit-on dans la famille, il a séjourné en Abyssinie, avant de partir en Chine où il travaille dans la construction de chemins de fer (comme dessinateur). A l’annonce de la déclaration de guerre, Il demande immédiatement son rapatriement pour aller se battre et rentre en France avec un bataillon de volontaires réservistes en février 1915. Il appartient au 6ème régiment d’Infanterie coloniale. Il est caserné à Lyon où il reste jusqu’au début avril. De Lyon, il envoie des lettres à sa famille qui disent son impatience à rejoindre le front. Le 13 avril il est déjà à Chaumont et va rejoindre sa compagnie. Ses premières lettres des tranchées datent du 15 avril. Il est basé dans le village, aujourd’hui disparu de Four-de-Paris, d’où il écrit à sa famille. Il meurt le 14 juillet 1915 au Bois de Gruerie dans la forêt d’Argonne. Il obtient une citation et la croix de guerre avec étoile de bronze et la médaille militaire lui est délivrée à titre posthume en 1922.

 

Lettre du 25 avril 1915

Au campement ce 25 avril 1915

Mon cher André,
Ma chère Jeannette,

Après 5 jours passés dans les tranchées de 1ère ligne sous une mitraille terrible, je suis soit disant de repos au campement ; je dis soit disant car ici les corvées pleuvent dru si les balles et les obus se font plus rares. Nous sommes installés dans un ancien bois car tout a été fauché si ce n’est pas par le canon c’est par nous pour construire nos abris souterrains. Imaginez vous un flanc de coteau avec très forte pente de 45° dans lequel nous avons creusé des niches pour loger une dizaine d’hommes ; des branches d’arbre et de la bruyère comme matelas, une couverture et voila notre home. Le jour il y a fait assez bon mais la nuit la fraîcheur se fait sentir et ma fois réveil nous sommes relativement gelés ; mais patience, les beaux jours ont déjà fait leur apparition et dans quelque temps nous n’aurons plus à souffrir du froid.
Depuis quelques jours nous repoussons avec succès les attaques allemandes. Les boches sont passés maîtres dans l’art de la sape, aussi il ne se passe pas un jour sans qu’ils ne fassent sauter quelques postes français que nous reprenons ça c’est vrai, mais non sans subir quelques pertes. Notre Génie n’ose plus travailler, craignant de sauter à tout instant.
J’ai reçu votre lettre mon vieux frangin et vous remercie du journal que nous y avez joint. J’accepter votre offre avec plaisir. Quant au petit colis que vous m’avez expédié j’espère qu’il ne tardera pas à me parvenir car sitôt mon arrivée ici j’ai écrit au vaguemestre du dépôt pour lui faire connaître ma compagnie. Merci encore de la diligence que vous apportez à satisfaire mes désirs.
Au revoir mes aimés et recevez de votre frère des affectueux baisers. Beaucoup de bises à mes mignonnes nièces.

JAN

 

Lettre du 3 mai 1915

La Chalade, le 3 mai 1915

Mon cher André,
Ma chère Jeannette,

Je suis resté 4 jours sans donner de mes nouvelles n’ayant plus de papier et n’osant pas en demander aux camarades à qui j’avais déjà demande plusieurs fois. J’ai tout de même trouvé une feuille et me voilà. Après 4 jours de tranchées de 1ère ligne nous sommes venus cantonner dans l’ex village de La Chalade en attendant notre départ pour un autre secteur. Pendant notre séjour en 1ère ligne nous avons eu à repousser quelques attaques allemandes, ce que nous avons fait avec succès mais les Boches furieux de cet échec ont employé des obus et des bombes asphyxiantes qui heureusement ne nous ont causé aucune perte. Ces derniers jours nous avons fait une vingtaine de prisonniers dont 1 officier.
Comme repos nous nous offrons la construction d’une route pour le transport de grosses pièces d’artillerie, vous voyez qu’on ne perd pas de temps.
Maintenant je suis complètement rétabli de cette maudite entérite et plu gaillard que jamais.
Le premier colis que vous m’avez expédié ne m’est pas encore parvenu, j’espère tout de même qu’il ne tardera pas.
Au revoir mes chers aimés et pardonné le décousu de mes lettres car elles sont souvent faites à plusieurs reprises.

 

Lettre du 10 mai 1915

Four de Paris, le 10 mai 1915

Ma petite Jeannette,
Mon cher André,
Mes gentilles petites nièces,

Je viens de passer 4 jours dans les tranchées de 1ère ligne et suis maintenant pour 4 autres jours en réserve c’est-à-dire à 3 ou 400 mètres en arrière.
Ici nous sommes presque privilégiés, nous habitons de gentilles petites guitounes souterraines aménagées par nos braves marsouins habitués pour la plupart à cette vie au grand air. Notre petit village de 400 âmes est situé à flanc de coteau au beau milieu d’une superbe sapinière où le muguet, la primevère, la fougère et la mousse poussent à qui mieux mieux et jettent une note vraiment saine près de ces sapins d’un vert sombre et surtout comparativement à la désolation du champ de bataille où les quelques arbres qui n’ont pas été fauchés par la mitraille ne reverdissent pas étant tous touchés par les balles qui en ont fait de véritables écumoires, ceci accompagné du terrain bouleversé par les marmites et par les travaux de terrassement des tranchées, dans un terrain calcaire de sorte qu’on aperçoit une dizaine de lignes blanches presque parallèles, très sinueuses car elles épousent à peu près les accidents du terrain. Toutes ces tranchées sont reliées entre elles par une grande quantité de boyaux transversaux semés eux aussi de demi line pour permettre en cas de retrait une fusillade nourrie dans ces dits boyaux qui se terminent en arrière des tranchées et débouchent dans notre village.

Je vous ai fait un petit croquis des lieux que nous habitons et comme vous vous intéressez à votre frère je suis persuadé qu’il vous fera plaisir.

Vous voyez que les lignes allemandes sont très près des nôtres de 20 à 40 mètres. Quant à l’Artillerie, elle ne fait pas défaut. Il en arrive encore tous les jours que l’on transporte par le petit Decauville qui est installé en ce moment et sur lequel nous travaillons pendant ces journées dites de repos.

Cette artillerie est sans aucun doute de la lourde, autrement nous n’installerions pas une voie ferrée.

J’espère mes chers amis que ces préparatifs terminés, et dans quelques jour ils le seront, ce sera la ruée sur les Boches et son retour 2 doigts vous savez bien où, dans sa terre maudite. Tous ici, jeunes comme vieux, nous attendons ce jour avec impatience car il sera vraiment un jour béni.

J’ai reçu ces jours-ci des nouvelles d’Henry me parlant de son voyage à Paris et des propositions de M. Qelles. Des nouvelles de Louis qui ne peut pas garder le repos quasi absolu que lui ordonne le docteur : sacré bougre va.

[…]

Par le même courrier j’ai reçu un petit colis contenant alcool de menthe et poudre pour échauffement. Merci à ma charmante sœurette qui se souvient qu’autrefois je souffrais beaucoup de ce malaise. Quant au premier colis, j’espère qu’il ne sera pas perdu et que le « sergent des petits paquets » saura me l’envoyer.

Je vais encore abuser de votre bonté mes aimés mais je vous demanderai de m’envoyer une boîte de cigares. Ayant engagé un pari avec un camarade et l’ayant perdu il faut m’exécuter.

Allons mes chéris permettez que je vous quitte et dans l’attente de vous lire, ce qui sera certainement pour aujourd’hui. Je vous envoie ainsi qu’à mes mignonnes nièces les meilleurs baisers d’un frère et d’un tonton qui vous aime de tout cœur.

JAN

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Lettre du 14 mai 1915

La Chalade, 14 mai 1915.

Ma chère maman,

[…] Tu me dis dans une précédente lettre d’être prudent. Sois sûre […] que je le suis dans le domaine du possible et que je ne me risquerai pas inutilement. Je ne sais pas si je suis brave, les occasions ayant été assez rares pour que je m’en rende bien compte. Mais je sais que je ne suis pas « trouillard ». Veux-tu que nous abordions la question victuailles ? […] J’aimerais de temps en temps un peu de beurre, le dernier est arrivé en très bon état. Un pot de moutarde aussi, du tabac, de la menthe Ricqlès, avec ça, je me croirai en paradis. […]

 

Lettre du 19 mai 1915

La Chalade le 19 mai 1915

Mon cher André,
Ma chère Jeannette,

Je crois bien mes cher aimés avoir oublié dans me dernière lettre de vous remercier de l’envoi du coli expédié le 20 avril et reçu voila 3 jours. Excusez-moi d’un tel oubli qui est dû à la précipitation avec laquelle ont écrit très souvent étant toujours sur le qui-vive. Aujourd’hui je viens réparer cette omission et vous envoie tous mes remerciements pour l’empressement que vous apportez à satisfaire mes moindres désirs et croyez mes aimés que je n’oublierai jamais votre bonté, d’abord en vous promettant de n’être plus le têtu et le négligent d’autrefois qui envoyait facilement de se nouvelles une ou deux fois par an.

Aujourd’hui je ne vais pas vous ennuyer avec ma prose, n’ayant pas de choses très intéressantes à vous narrer. Nous vivons toujours dans un calme relatif en attendant le jour où nous commencerons le balayage en règle, jour qui je crois ne tardera pas, l’Italie et la Roumanie devant entre en lice d’ici peu. Je vous prie de croire qu’on attend avec impatience cette nouvelle phase de la guerre et que nous nous sommes décidés à en jeter un coup et à y mettre du fin comme on dit en vrai poilu.

Allons mes chers aimés, je vais terminer en vous souhaitant ainsi qu’à vos chérubins une santé aussi bonne que la mienne et en vous envoyant les meilleurs baisers d’un cœur affectueux.

Votre frère pour la vie.

JAN

Pouvez-vous m’envoyer quelques timbres de 2 Francs pour les pays étrangers. Merci et bien à vous. Jan.

 

Lettre du 19 mai 1915

La Chalade, 19 mai 1915.

Ma chère Ninette,

[…] Ici, de grands préparatifs pour une prochaine ruée qui saura, je l’espère rejeter loin de nos frontières, ces maudits Boches. Tout le monde attend avec impatience le jour où nous pourrons foncer et nous battre face à face. Car tu sais, ma cadette, la guerre de tranchée est ingrate ; tu reçois bien souvent une bombe ou une grenade sans avoir jamais vu la tête d’un ennemi. C’est une chose énervante qui fait que quelquefois, certains commettent de grandes imprudences pour forcer le boche à sortir de son trou. Et il est de fait que c’est un vrai régal, un carton sur ces vampires […]

 

Lettre du 21 mai 1915

La Chalade, le 21 mai 1915

Mon petit Jeanot

Je viens de recevoir ta gentille lettre ainsi que celle d’André. Ces deux lettres, ma chère mignonne, m’ont procuré, s’il est possible, beaucoup plus de joie que les autres, d’abord parce qu’elles étaient seules (c’est-à-dire n’ayant rien de Blain aujourd’hui et même depuis 4 ou 5 jour), de sorte qu’elles ont été lues, relues, même dévorées, toute la journée. Il est si bon, si doux, surtout dans les circonstances actuelles, de communier avec les siens, c’est maintenant ma mignonne que j’en apprécie la valeur, quelle brute étais-je donc jusqu’à ce jour.

Et puis cette façon si charmante, si sentimentale, de tourner vos écrits me fait voir aussi à nu ce bon petit cœur qu’autrefois j’y connaissais à peine sous son enveloppe un peu froide, enveloppe que tu as pu tenir de côté lorsque tu l’as donné à ce bon André. Tu n’as pas tiré le plus mauvais numéro, hein !

Qu’ai-je écrit en tête ? Ne va pas croire mon Jeanot que vos lettres m’ont rempli de joies parce que je n’en n’avais pas reçu d’autres, non je suis à cent lieues de penser une chose pareille ; mais étant très triste de ne rien recevoir de Blain depuis longtemps, leur courrier a été pour moi un plus grand bonheur. Plus haut le crayon a fourché et n’a pas su suivre ma pensée, pardonnes-moi.

Je suis heureux d’apprendre que Marya va venir passer quelques jours à Colombes. Que de causeries, voir même de causettes vont s’offrir.

 

Lettre du 24 mai 1915

Four de Paris, le 24 mai 1915

Mon cher André

Je suis de nouveau dans les tranchées de 1ère ligne après avoir passé 8 jours à la Chalade.

Ce matin j’ai reçu ta lettre du 20 ainsi qu’une carte expédiée de Paris ; n’oublions pas non plus le petit paquet contenant brosse à dents et pâte dentifrice. Merci mon vieux frangin pour tout ce dévouement. Pour ce qui est du colis contenant trousse, boutons, brosse, etc. je l’ai reçu à temps et je t’en ai même accusé réception, mais cette lettre a du comme beaucoup d’autres prendre un chemin détourné.

Depuis 2 ou 3 jours nous nous battons avec acharnement aux bombes, grenades, pétards, en un mot aux explosifs, sans pour cela esquisser la moindre petite sortie ; que cela signifie-t-il ? je l’ignore. Attendons nous verrons.

Des troupes fraiches viennent d’arriver à l’arrière ; sans doute l’attaque ne saurait tarder. Ce matin, lorsque nous avons appris la déclaration de guerre de l’Italie, nous avons sauté de joie car avec ellle nous vient l’espoir d’une paix prochaine. Sitôt cette bonne nouvelle arrivée nous avons voulu en donner la primeur aux boches ; aussi avons-nous envoyé Le Matin qui l’avait en manchette. La réponse ne s’est point fait attendre, ils nous ont expédiés par la même voie, c’est-à-dire une bouteille lancée à la main, un billet en mauvais français et dont voici à peu près la teneur :

Italiens assassins, voyous. Français bons. Nous continuerons la guerre jusqu’au bout.

Je ne sais si le dernier part du cœur, mais certainement le premier est sincère. Quant au second, passons dessus et maintenant Messieurs les boches vous allez trouver à qui parler.

Mon cher André, permettez que je vous quitte. Demain je vous entretiendrai plus longuement, tiens voila que je dis vous (excuses).

Au revoir et bonjour à tous ainsi que de bons baisers.

JAN

 

Lettre du 28 mai 1915

Four de Paris, le 28 mai 1915

Ma chère Jeannette,

Ce matin je suis gâté : Colombes, Paris, Blain, tout le monde m’écrit, aussi j’oublie net les quelques jours pendant lesquels je suis resté sans  nouvelles de Blain. Merci mon petit Jeanot d’avoir écrit longuement à ton frérot. Je t’assure ma mignonne qu’après les mauvais jours que nous venons de passer, une lettre affectueuse de sa sœurette est comme un baume sur une plaie car ces jours-ci ma compagnie, au cours de combats de tranchées, a eu des pertes sérieuses et les chinois figuraient en grand nombre parmi les blessés. On ne vit pas, pendant des mois, une vie commune et pendant des semaines la même vie, sans créer des amitiés, et bien ce sont ces amis de Chine que je viens de voir tomber.

Le hasard nous avait rapprochés sur la même ligne lorsqu’un maudit 77 boche qui ne nous était pas destiné, vient frapper un arbre à 3 m au dessus de nos têtes, résultats 13 victimes. Je me trouvais au milieu de cet enfer, comment se fait-il que je n’ai pas été atteint : mystère. Depuis 1 mois ½ que je suis sur le front je vois tous les jours la mitraille autour de moi, mais de la sorte c’est la première fois. Effet moral : léger hébètement de quelques secondes car fallait réagir et se précipiter au secours des blessés, quand le combat ne nous appelle pas.

Ce matin j’ai reçu des nouvelles de ces vieux copains. Les docteurs espèrent les sauver tous, aussi je suis rayonnant de joie ; malheureusement l’on craint que l’un deux ne perde les 2 pieds, ce serait bien terrible pour ce malheureux.

Tu vois donc ma Jeannette qu’une lettre de toi, après ces deux épreuves, est encore davantage la bienvenue, non pas que le moral ne soit pas bon, il l’est plus que jamais, mais elle adoucit la peine causée par cette brusque séparation.

Tu me pardonneras ma mignonne de ne parler que de choses aussi tristes mais comme me dirait encre et malgré ses 24 blessures ce vieux Stoffley : que veux tu me mon pauvre Jean, c’est la gué, c’est la gué. Il plaisantait tout de même moins qu’auparavant.

Tu me parles dans ta lettre de l’arrivée prochaine de Maria. Mais dis-donc toi la voyageuse ne crois tu pas qu’il faille mettre en œuvre toute la famille, voir même la municipalité, pour lui faire quitter Blain. Sacré Maria va !

Permets pour aujourd’hui que j’en finisse là ma bonne Jeannette, car je suis fourbu et quelques heures de sommeil me sont nécessaires. Beaucoup de bises à ma gentille Nina et à cet amour de Nonette. Pour André et pour toi des baisers affectueux.

Votre frère

 

Lettre du 29 mai 1915

Four de Paris, 29 mai 1915.

Ma Ninette,

La nuit a été assez agitée : patrouilles qui ont déclenché une vive fusillade et l’entrée en danse des mortiers et des canons. Nous avons malheureusement à déplorer la perte de 20 hommes de ma compagnie dont 9 morts […] Nous nous trouvions à quelques mètres de distance, lorsqu’un maudit 77 boche, qui ne nous était pas destiné vint frapper un arbre au-dessus de nos têtes. Le choc le fit éclater et les éclats blessèrent 13 des nôtres je me trouvais au milieu de la rafale et je me demande comment j’ai été épargné […] 

 

Lettre du 2 juin 1915

 La Chalade, le 2 juin 1915

Ma Jeannette chérie

Avant-hier j’ai promis à André de t’écrire pour te remercier au sujet du petit envoi que tu m’as fait. Tu vois ma mignonne que je tiens parole. Aussi me voila. J’ai ¾ d’heure devant moi et je vais en profiter.

Parlons des bijoux veux-tu. André me disait dans sa dernière lettre que tous les soirs tu faisais dire à ma gentille petite filleule une prière pour son tonton ; je te remercie ma bonne Jeannette de cette intension car tu sais, malgré la non pratique de la religion que nous a enseigné Maman, il reste quelque chose de ce que l’on m’a appris, au moins ainsi je m’en voudrais de ne pas respecter le Vendredi Saint, je ne souffrirais pas que l’on insulte à la Vierge et au Christ devant moi, enfin bien d’autres choses. Aussi suis-je bien touché de voir ce petit ange de Nina bégayer tous les soirs sous la conduite de sa Maman cette petite prière. Puisse le Seigneur exaucer ses vœux ma Jeannette et ma Nina et encore une fois merci.

Et ce petit chose de Nonette, il doit pousser, c’est un bonheur. Que c’est gentil, que c’est beau de voir une union comme la votre mes amis et que je plain celles qui n’ont pas d’enfants.

Peut être lorsque tu recevras ma lettre seras tu en compagnie de cette bonne Maria qui j’espère doit commencer à se remettre de longues fatigues. Un voyage et son séjour à Colombes achèveront cette cure de détente et de repos.

Ici mon Jeanot la vie est assez calme depuis notre arrivée à la Chalade. Nous travaillons à la construction de la fameuse voie ferrée qui je crois sera terminée d’ici une huitaine ; après le transport de cette grosse artillerie qui protègera sans doute notre marche en avant, ce sera la ruée de tous les cœurs français, car ici nous sommes tous animés du même sentiment que les uns appellent patriotisme, les autres encore imbus de leurs idéaux socialistes mais non pas antimilitaristes, l’appellent la lutte pour la vie, la chasse aux Allemands.

En un mot nous attendons tous avec impatience le grand jour où nous chasserons à tout jamais le maudit boche de notre France à nous.

Certes la guerre est bien triste. Que de veuves, que d’orphelins pleurent et pleureront encore leurs chers aimés. Mais n’était-elle pas indispensable ? Si, car depuis de nombreuses années la France ne voulant pas croire à une conflagration européenne, se laissait aller à une douce farnienté dans laquelle tout sentiment d’honneur national semblait sombrer. Et quand un pays en arrive à ce point c’est la décadence à bref délai ; nous avons dans l’histoire des peuples des exemples nombreux.

 

La dernière lettre

Bois de la Gruerie, 13 juillet 1915

Mon cher André,

Depuis 7 heures ce matin, le 5e colonial et le ? attaquent avec violence les positions allemandes. Allons-nous y participer, Je l’ignore, toujours est-il que depuis hier soir tout est prêt en vue d’une poussée, elle dépendra sans doute du résultat de l’action qui a lieu maintenant. Je coupe court, mon cher André, car je n’ai pas du tout le cœur à écrire, il bat trop violemment. Au revoir, mon vieux frère, mille baisers affectueux à Jeanne et aux deux amours. Affectueusement à toi.

Jan

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Sources : http://www.europeana1914-1918.eu et http://www.presseocean.fr

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