FRERE POMMIER : Lettre du 5 novembre 1917
Lettre du frère Pommier
Lettre du frère Pommier, évoquant son passage à Clermont en novembre 1917 et la visite de l’hôpital des Filles de la Charité visité 18 mois auparavant.
le 5 novembre 1917
Je vous écris ces quelques mots, des premières lignes où je suis monté hier, mais rassurez-vous, mon secteur, situé au milieu des bois d’Argonne, est bien calme. Nous y avons déjà fait un séjour d’une vingtaine de- jours, après lesquels, nous avons eu le temps égal de repos, un peu à l’arrière.
C’est ce qui m’a permis de célébrer tranquillement la fête de la Toussaint et celle des Morts : tous ne peuvent pas en dire autant. De tout le temps que je suis mobilisé, je n’avais jamais été aussi tranquille que ces quinze derniers jours. Logé, tout seul, dans une bonne petite chambre, dans un village évacué par la plus grande partie des habitants, mais encore à moitié conservé ; sans presque de corvées, j’ai pu, en toute liberté, me distraire utilement, dans l’assiduité de la messe, des visites au saint Sacrement, et dans la prière, ou la lecture. En me promenant, je suis allé revoir l’hôpital des Filles de la Charité, à Clermont-en-Argonne, que j’avais déjà vu il y a dix-huit mois. II n’a pas reçu d’autres obus, mais le manque d’entretien et le passage des troupes le détériorent tous les jours un peu. II n’en reste pas moins le témoignage de la protection de Dieu, et de l’héroïsme de ma sœur supérieure. Je croyais y rencontrer Fr. Tournebise, mais il était remonté en ligne depuis quelques jours, et à l’autre extrémité de la forêt d’Argonne. J’ai eu la consolation de me retrouver dans un petit coin de la Congrégation, et d’en retrouver quelques souvenirs, dans les images de saint Vincent, du bienheureux Perboyre, dans les circulaires des Supérieurs généraux; malheureusement, tout cela est bien en désordre dans la sacristie.
Ce mois-ci nous rappelle le souvenir de la Mission de l’autre monde. Quelle sainte lignée j’y puis découvrir ! La guerre l’a augmentée à notre insu. Comme il est consolant de songer que ceux que la mort a ravis, nous restent unis là-haut et travaillent toujours pour la Congrégation. Mais je n’oublie pas le devoir qui m’incombe de prier pour ceux qui pourraient rester en purgatoire. Et puisque je puis tous les jours, même ici, communier, je leur consacrerai plusieurs communions.
J.B. Pommier
Source : Annales de la Congrégation de la Mission – Volume 83 – 1918