TEMOIGNAGE : Lettre d’un soldat de l’Infanterie Territoriale relatant un combat en Argonne (fin 1914 – début 1915)
Un combat dans l’Argonne
Un territorial de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs (Isère), raconte ainsi, dans une lettre, les péripéties d’un combat auquel il a participé dans l’Argonne
…Nous sommes cantonnés dans une ferme isolée à l’orée de la fameuse forêt de l’Argonne, dans laquelle sont terrés les Boches depuis la bataille de la Marne.
Les attaques à la baïonnette ne suffisant pas à déloger l’ennemi, l’emploi de l’artillerie fut décidé sur un point où les engagements étaient fréquents.
L’heure venue, nous voyons deux fusées monter en l’air. C’était le signal de commencer le feu.
Nous savions également, par les soldats du génie, qu’il y avait sept sapes préparées sous les tranchées boches. Chacune contenait 850 kilos de poudre à laquelle on mit le feu.
Jugez des Boches qui étaient là-dedans, à l’heure du café ce qu’ils sont devenus. Même ceux des nôtres, qui placés dans nos tranchées, à 200 mètres, pour partir à l’assaut aussitôt après l’explosion furent soulevés par le choc. Quelques-uns furent légèrement blessés.
Je reviens à l’artillerie, qui avait ouvert le feu et quel feu ! Toutes les batteries tiraient à toute vitesse. Il fallait entendre ce bruit.
L’ordre arrive par téléphone de cesser le feu. A cet instant, nos compagnies s’ébranlent à l’assaut des tranchées bombardées. Nos batteries recommencent alors le tir à 800 mètres plus loin pour empêcher l’envoi de renforts allemands.
Le résultat ne fut pas long. Vers midi 110 prisonniers défilaient devant nous, encadrés par des chasseurs à cheval. C’étaient des Bavarois pour la plupart ils étaient littéralement couverts de boue
Le total des prisonniers s’élevait à 250; nos troupes capturèrent 7 mitrailleuses: 2 500 Allemands furent blessés ou tués et quatre rangs de tranchées ennemies tombèrent entre nos mains.
Tel fut le bilan de l’opération.
Source : Le Petit Parisien – 20 janvier 1915