TEMOIGNAGE : Carnet de Campagne du sous-officier HAUSSLER de l’I.R. 123 (Août à Octobre 1914)
Carnet de Campagne
du sous-officier Haussler
Journal de campagne du sous-officier Haüssler, réserviste du 123ème Régiment d’Infanterie allemand, 3ème Bataillon, 9ème Compagnie. Mobilisé au Bataillon de dépôt du 123ème d’Infanterie à Ulm. Dirigé le 28 août sur la portion active de ce régiment. Tué le 23 octobre dans le bois de la Gruerie.
22 août 1914
Bataille près de Metz, troupes de toutes les races allemandes. Les Français sont rejetés au delà des Vosges. A Ulm, enthousiasme énorme, pavoisement. Les gens de toutes conditions sont comme des fous et embrassent même les soldats dans la rue. La victoire fût connue le soir, à cinq heures. De suite, toutes les cloches à Ulm sonnèrent. On ne connaît pas encore la portée de la victoire. C’est néanmoins d’une grande importance. De grands transports de prisonniers français traversent Ulm. J’ai été commandé pour faire la police dans la gare. Les prisonniers font une mauvaise impression. Ils manifestent une grande crainte et croient toujours qu’on les fusillera. C’est surtout l’artillerie allemande qui les a battus. De grands convois de soldats légèrement blessés passent par Ulm. Ils sont couchés dans des voitures à bestiaux, sur de la paille. La population civile est écartée très sévèrement. Les officiers sont très sévères envers les prisonniers. Des bavarois passent par la gare d’Ulm.
23 août 1914
16 heures. Alerte. Nous devons partir pour garder les prisonniers. Ils ont des baraquements convenablement organisés, entourés de fils de fer à piquants. Devant les entrées sont des sentinelles. Toute la journée de dimanche on donna un bain aux prisonniers et ils reçurent du linge de corps. Le soir, nouvelles de victoire.
24 août 1914
Aujourd’hui pas de service, nous ne savons guère comment tuer le temps. Pour changer nous allons voir les pantalons rouges prisonniers. Depuis qu’elles ont pris un bain, les bougrs ont bien meilleure mine. Ils reçoivent nourriture et solde comme nous. Aujourd’hui ils doivent se mettre au travail ; ils doivent construire une route…Télégramme annonçant de nouvelles victoires du duc Albert et du kronprinz. Danses.
25 août 1914
De garde devant les tentes. Il y a là 1400 pantalons rouges, autant dans les baraquements en planches. Ces gens se portent bien. Ils jouent à toutes sortes de jeux. J’ai un sacré turbin avec ces bougres, qui se bousculent tellement pour aller à la cantine, qu’avec 2 sentinelles, j’ai toutes les peines du monde à les tenir en ordre.
26 août 1914
De garde dans les tentes. Coup d’œil curieux que ces prisonniers avec leurs pantalons rouges et leurs képis. Ils doivent se coucher à 9 heures ; réveil à 6 heures. Un homme qui se montrait récalcitrant, fût conduit au poste et dût, en punition, rester debout toute la nuit près de la sentinelle devant les armes. A part cela rien de particulier. Le matin, nous arriva la nouvelle que Namur est pris. Si les Allemands continuent ainsi, nous aurons la paix pour Noël. Le soir, nouvelle d’une grande victoire.
27 août 1914
On apprend qu’on va partir. Enthousiasme général. Enfin, on va entrer en campagne. Notre régiment s’est bravement comporté près de Longwy, et a eu beaucoup de pertes, surtout le 3ème bataillon : deux capitaines tués. Namur est à nous. Ordre de rejoindre Ulm.
28 août 1914
Réveil à quatre heures, départ à huit heures. Service religieux, confession, moment solennel. A 11 heures, annonce de grandes victoires allemandes. Un Zeppelin a fait sauter une usine à gaz à Anvers.
Le soir, à sept heures, départ d’Ulm. Notre marche vers la gare ressemble à une marche triomphale. Des milliers de personnes sont dans les rues, nous font des signes, nous appellent, c’est émouvant.
29 août 1914
Marche. Bruchsal. Enthousiasme. Nous voyons les premiers blessés, environ 300 hommes : grande impression sur nous, notre enthousiasme baisse fortement Frankenhal-Spire, belle ville. Ludwigshafen, ici l’enthousiasme redevient meilleur. Nous recevons des cadeaux…etc…Nouvelle : d’une grande victoire sur les Russes.
30 août 1914
Arrivée sur le sol français à11 heures. Le champ de bataille se trouve à 25 kilomètres en avant sur la Meuse. Les blessés passent ici pour être embarqués. Longuyon à environ 20-25 kilomètres de la frontière.
31 août 1914
Notre journée la plus dure. Réveil à 3h30. Café à 4h. Départ pour Dun-sur-Meuse. Comabt de Montigny.
1er septembre 1914
Marche sur Montfaucon. Violente canonnade, nous sommes toute la journée en flanc garde. Le soir, notre compagnie devient la 9ème du 123ème Régiment d’Infanterie.
2 septembre 1914
Bivouac à Montigny, dure journée, matinée très froide, marche en terrain accidenté. Grandpré, hourrah, on apprend que toute l’armée ennemie est refoulée sur Verdun. Elle est déjà à demi encerclée.
3 septembre 1914
Départ le matin pour Romagne. Dur combat. Beaucoup de morts et blessés chevaux et bestiaux courent en tous sens. Nous arrivons bientôt au bivouac, nous pouvons nous laver, nous sécher, quel délice ! A Romagne, grande brouhaha. Le général Moser blessé. Nous sommes envoyés en avant-postes.
4 septembre 1914
7h15 : Départ. L’ennemi a de nouveau reculé. A 15h30, départ pour Epinonville. A 18h30, départ pour Cheppy, contrée fertile.
5 septembre 1914
A 6 h30, départ pour Varennes, puis pour Clermont, où l’on fait une courte halte. Puis on traverse les Islettes. Clermont est une charmante petite ville, les villages sont plus aimables et encore habités. A 18 heures aux Islettes.
6 septembre 1914
A 7 h30 à Brizeaux. Grand combat d’artillerie comme je n’en ai jamais encore entendu. Nous sommes en réserve, mais sommes surpris dans notre marche à travers la forêt. Violent combat près de Vaubecourt. Je suis envoyé en patrouille. Grand danger pour moi. Dieu m’est venu en aide. Pendant onze heures, nous sommes restés exposés au feu de l’artillerie.
7 septembre 1914
Vaubécourt, nous sommes en pointe. Aussitôt, nous sommes accueillis par la fusillade, nous ne pouvons plus avancer jusqu’à ce que notre artillerie nous vienne en aide. A 8 h30 nous avançons et nous arrivons sous une furieuse pluie d’obus. Je crûs que notre dernière heure était arrivée, mais, grâce à Dieu, je vis encore. Tout s’est bien passé. C’était effrayant, ce fut le jour le plus dur de mon existence. A la tombée de la nuit, nous effectuons une attaque sur le bois et dans le bois, où nous nous retranchons.
8 septembre 1914
Dès le matin, combat avec l’ennemi. Bientôt fuite des pantalons rouges, mais nous entrons en combat avec l’artillerie et nous nous retranchons. Aujourd’hui, rien à manger, mais nous buvons du vin et du bon. Chaque jour nous perdons quelques hommes. Le soir, nous occupons notre tranchée, où nous passons toute la nuit. Déjà la deuxième nuit sans dormir. L’ennemi veut manifestement forcer ici pour ne pas être pris.
9 septembre 1914
Encore dans les tranchées. L’ennemi n’a pas essayé de percer près de nous, plus à droite, nous entendons une fusillade violente. Nous n’avons pas ici une situation facile. Nous serions bien heureux si la relève venait. Notre artillerie est trop faible, si nous n’avions pas une bonne tranchée, nous serions flambés. A 10 heures, relève et départ pour le bivouac, où nous restons en position d’alerte.
10 septembre 1914
A 1 heure alerte. Puis par une pluie battante, combat avec de nombreuses pertes ; nous sommes attaqués sur le flanc, ensuite nous sommes dissimulés derrière un remblai, sous la canonnade ; depuis quatre jours, c’est à devenir fou. L’enthousiasme est tombé, et tout le monde aspire à ta paix. Nous souffrons beaucoup. Le service de santé fonctionne mal, des blessés restent étendus des jours entiers sans secours. Jusqu’à présent, je suis indemne, grâce à la protection divine.
11 septembre 1914
Depuis hier, de garde devant l’ennemi ; tout est calme. A 8h30, la canonnade reprend. Nous nous sommes bien retranchés derrière la voie. Nous avons l’impression que notre artillerie est inférieure à l’artillerie ennemie, c’est pourquoi nous ne pouvons plus avancer. Le soir, pluie. Départ pour Sommeille. Bivouac.
12 septembre 1914
Triaucourt. Nous creusons une tranchée. Tous les Corps d’Armée reculent pour attaquer d’un autre côté et retenir l’ennemi dans sa marche rétrograde, parce que le IVème Corps ne s’est pas encore déployé au sud. Comme on va maintenant facilement à Paris. Nous en avons tous assez et nous avons l’air de cochons.
13 septembre 1914
Départ de Triaucourt pour rétrograder sur Clermont, nous ne comprenons pas pourquoi. Nous reculons jusqu’à Varenne à 16h. Quelle marche. Je me suis blessé à force de courir. C’est terrible, par une pluie battante. Je crois qu’il nous faudra encore reculer. Que Dieu nous assiste.
14 septembre 1914
A 8 heures debout. Ici ça ne va pas si mal du miel, de la viande, etc. A 14h15, départ, nous ne savons pas pour quelle direction. Nous n’avons pas grande confiance, nous nous retranchons. A 3h on annonce que l’ennemi nous poursuit et nous serions presque restés dans la tranchée par la pluie. Enfin, à 9 heures départ pour le village. On nous apprend que nous devons laisser les Français
avancer pour les attirer hors du rayon d’action des forts de Verdun. C’est ce que nous verrons.
15 septembre 1914
Montblainville. A 4 h. 30, départ pour se retrancher. A 10h, nous sommes salués par l’artillerie française jusqu’à 14h. C’est un feu furieux. Nous sommes étendus dans nos tranchées, le combat est violent, mais nous sentons qu’aujourd’hui notre artillerie tire mieux. Il est maintenant 17 h. C’est très ennuyeux, noue avoue une faim de loup, la cuisine ne vient que la nuit, nous sommes anxieux de savoir s’il y aura bientôt un armistice, car le gouvernement français s’est enfui à Bordeaux, à la frontière. Que le bon Dieu fasse que ce soit bientôt la paix!
16 septembre 1914
Toujours dans la tranchée près de Charpentry. Toute la journée, canonnade. Pendant la nuit et la matinée, pluie. Nous sommes tous couverts de crotte, nous avons de cette existence par-dessus la tête. Nous devons aller chercher à manger à la cuisine volante à 3h du matin. Nous la cherchons pendant une heure pour enfin ne rien recevoir. L’artillerie ennemie tire bien. Hier, le kronprinz était près de nous. Nous ne comprenons pas pourquoi nous devons reculer. Hier, l’on nous a dit qu’il y avait 70.000 prisonniers en Allemagne.
17 septembre 1914
Charpentry. 3ème jour dans la tranchée près de Montblainville. Assez violent combats d’artillerie et d’infanterie, qui se continuent jusqu’à la tombée de la nuit. Nous verrons ce qu’il en sera. Chaque jour, nous attendons la bataille décisive, mais chaque jour passe sans rien de particulier. Aujourd’hui, il pleut sans interruption, de sorte que les tranchées sont pleines d’eau et que beaucoup doivent en sortir. C’est incroyable on devrait penser qu’il sera impossible de supporter tout cela. Si cela continue ainsi…
18 septembre 1914
Toujours dans notre misérable condition dans la tranchée, il est presque impossible de durer plus longtemps on nous dit que nous allons être relevés, mais rien ne vient. Nous sommes anxieux de voir ce qui va arriver. Tout notre espoir repose sur Dieu le Tout-Puissant ; s’il ne nous assiste pas, nous sommes abandonnés. Au soir nous sommes relevés par le 127ème. Nous allons à Eclisfontaine.
19 septembre 1914
Eclisfontaine. Repos. Grand nettoyage.
20 septembre 1914
Repos, musique, bonne nourriture, mais beaucoup de revues. Nous devons vraisemblablement attendre ici en position d’alerte, ou plutôt résister jusqu’à ce que Verdun, Toul soient tombés, pour qu’ensuite, avec leurs forces réunies, toutes les armées progressent en commun. On ne peut prévoir combien de temps cela durera. Aujourd’hui, on dit que trois forts à l’est de Verdun ont été pris. Il me semble que l’affaire traîne en longueur.
21 septembre 1914
Repos. Une lettre de l’inspecteur d’école Sihips me dit que l’affaire n’ira pas si vite. Les Français veulent se retirer dans les montagnes. Au sud se trouve d’ailleurs l’armée bavaroise ; devant Paris le duc Albert. Il nous faut attendre pour voir si l’affaire réussira.
22 septembre 1914
Départ pour Fléville. Nous sommes toute la journée en réserve du Corps d’Armée. Le soir, ordre d’aller cantonner à Fléville. Le temps est meilleur. On dit que 3 forts à l’est de Verdun ont été pris. Notre XIIIème Corps….l’adversaire s’est replié dans la forêt d’Argonne.
23 septembre 1914
Fléville. A 5h30 marche sur Apremont, joli village avec monastère, beau site. Toute la nuit, grosse canonnade et, à la pointe du jour, feu d’artillerie. Nous sommes à Apremont en réserve et probablement, nous retournerons à Fléville. Aujourd’hui beau temps. Nous sommes étendus au soleil ; que c’est bon après la saison pluvieuse. J’eux une nuit très mauvaise ; j’avais de telles douleurs d’estomac que je me serais abandonné au désespoir sans l’aide de Dieu.
24 septembre 1914
Nuit à Fléville. A 5 h30, marche sur Apremont. Halte au sud de la petite ville. A 16 heures, nous allons, dit-on, collaborer à la percée dans là forêt de l’Argonne, où l’ennemi s’est établi. Ici passent beaucoup de blessés du 123ème et des 5ème et 6ème Chasseurs. Je crois que de dures journées nous attendent. Que Dieu nous assiste. Le bruit court que notre Ière et notre IIIème Armées ont reculé en Belgique. Espérons que c’est faux!
25 septembre 1914
Arrivée à Varennes dans la nuit. Nous la passons près d’une haie, dans le fossé de la route. L’ennemi est à 6-8 kilomètres en avant, dans la forêt de l’Argonne. Nous restons ici toute la journée. Le soir, au bivouac. On nous apprend que nous devons être rattachés à la IVème Armée (donc à celle du duc Albrecht). Si cela est vrai, nous marcherions sur Paris et nous tournerions le dos Verdun.
26 septembre 1914
6 h45 du matin marche dans la direction de Condé-les-Autry. On attend d’heure en heure la chute de Verdun. Nous restons ici jusqu’à 15h. Puis marche sur Apremont ; ensuite à l’ouest, à travers l’Argonne qui est encore occupée de l’autre côté par l’adversaire. A 22h, arrivée à Condé-les-Autry. A 23h, nous recevons du pain. Nous sommes maintenant à l’ouest de la forêt d’Argonne avec la IVème Armée. Il y a eu ici de rudes combats, les attaques ennemies ont été repoussées.
27 septembre 1914
Condé-les-Autry. Nous avons l’impression que cela va être chaud. Que Dieu soit avec nous. Toute la journée à Condé. Nous ne voyons presque rien du combat. Verdun n’est pas encore pris. A 18h15 départ pour Lançon où nous cantonnons. On est bien ici.
28 septembre 1914
Lançon. A 6h, alerte marche par Autry sur Binarville, où nous prenons position dans un petit bois. Puis on marche tantôt à droite, tantôt à gauche, au sud-ouest de l’Argonne, toujours occupée par l’adversaire. Les coquins se sont nichés là et tirent de leur embuscade. Le soir, avant-postes dans le moulin entre Binarville et Apremont. Bivouac au nord-est de Binarville. Pas de pain déjà.
29 septembre 1914
A 5h, marche sur Binarville par le Moulin de ….dans la forêt. Aujourd’hui on a ordonné une attaque générale pour chasser l’ennemi du bois. A 14h30, déclanchement de l’attaque qui s’arrête avec la tombée de la nuit. Nous nous retranchons dans la forêt ; il fait très froid. Nous gelons. Si seulement cette guerre pouvait finir!
30 septembre 1914
Dans la forêt de l’Argonne. A 5h, on commence des retranchements. A 10h, on organise une nouvelle position, puis changement, nous devenons réserve du régiment. La nourriture est maigre on n’a rien touché depuis hier midi. On nous fait connaître aujourd’hui qu’il ne sera pas fait de quartier et qu’on fusillera tout le monde. Ce sont des bois qui ne sont pas nettoyés. On peut à peine s’y frayer passage, on ne voit pas chose semblable en Allemagne. Nous nous construisons des huttes en branchages.
1er octobre 1914
Dans la forêt de l’Argonne. Toute la nuit, canonnade et fusillade. Le matin, les mortiers se mettent en position. Enfin, la forêt va être nettoyée. Le soir, on n’avance toujours pas. Devant nous sont des Chasseurs Alpins, une bonne troupe. Les bougres ont fait des abatis et tendu des fils de fer. Ils se sont si bien retranchés qu’il nous est impossible d’avancer. Dans une marche en avant, faite pour protéger les camarades travaillant en arrière, il y eut quelques blessés.
2 octobre 1914
Dans la forêt de l’Argonne. Toujours ici. Aujourd’hui, les minenwerfer de gros calibre vont bombarder les positions ennemies, avec quel résultat ? D’abord toujours pas de résultat sur notre front. Les minenwerfer ne tirent pas encore. Nous sommes bien tranquilles jusqu’au soir et bâtissons des toits au-dessus de nos tranchées. A 9h nous devons prendre position en avant, 2-3 sections. A 10h45, retour en arrière. A 11h, de nouveau en avant. Nous creusons une tranchée.
3 octobre 1914
Dans la forêt de l’Argonne. Hier soir, deux hommes de mon groupe blessés. Dans la 10ème compagnie, le Capitaine et cinq hommes tués, trente blessés. A dix heures, les minenwerfer de gros calibre tirent pendant une heure, puis interruption du feu pendant laquelle nous creusons des retranchements. Vers le soir, nous occupons la tranchée en 3ème ligne où nous passons la nuit. A 21h30, grande canonnade, mais pas d’attaque.
4 octobre 1914
Dans la forêt de l’Argonne. A 8h, nous quittons notre tranchée pour nous placer derrière les Minengeschütze. Temps pluvieux. Dimanche du Rosaire. A 15h, déclanchement de l’attaque. Mais nous ne pouvons pas dépasser notre position avancée. Des patrouilles envoyées en avant sont blessées ou tuées. Le position ennemie est imprenable tant qu’elle ne sera pas détruite par l’artillerie. Nous avons subi de grosses pertes. Relevés par la 7ème Compagnie. Le 39ème Pionniers.
5 octobre 1914
Dans la forêt de l’Argonne. A 8h nous abandonnons notre position et allons nous reposer pour 12 heures derrière la ligne principale. La nuit je dois patrouiller pendant 2 heures. A 17h nous devons aller dans la position 1.
6 octobre 1914
Dans la forêt de l’Argonne. Aujourd’hui nous relevons la 12ème Compagnie dans la position 1 où nous devons rester 24 heures. On dit que la 26ème Division a fait 600 prisonniers. Nous sommes ici, toujours impuissants. On dit que les pionniers vont incendier la forêt, d’autres disent qu’on minera la position ennemie. Je voudrais bien voir ce qu’il y a de vrai.
7 octobre 1914
Dans la forêt de Binarville. A 7 h, nous reculons en position 1. On travaille aux retranchements. Beau temps, mais froid. On dit que la 27ème Division a été embarquée ( ?). Nous ne savons pas encore quand on nous sortira de cette misère. Espérons que ce sera bientôt. Nous souffrons péniblement du froid pendant la nuit et de la faim pendant le jour. Tristes journées en perspective, que Dieu soit avec nous!
8 octobre 1914
Dans la forêt de l’Argonne. Aujourd’hui retour à la position 1. Rien de nouveau. Nous agrandissons et approfondissons notre tranchée. De tous les côtés tristesse et accablement. La nuit, rien de nouveau. A la tombée de la nuit, feu furieux comme tous les jours ; en outre, il fait très froid. A 7h nous sommes relevés mais au lieu de repos, nettoyage des armes et creusement des tranchées. Nos forces diminuent rapidement.
9 octobre 1914
Dans la forêt de l’Argonne. Rien de nouveau. Toute la journée travaux de tranchée. Aujourd’hui annonce officielle de la chute d’Anvers. Serons-nous relevés ? Nous sommes dans un état de tristesse augmentée par la faim. Notre chef de section, le lieutenant Eberhardt se fait porter malade. En général, nous ne sommes pas traités par les officiers comme on devrait l’être en de pareilles circonstances. On nous reproche jusqu’au peu de nourriture qu’on nous accorde. Nous avons pour Commandant de compagnie, un jeune Sous-lieutenant de réserve.
10 octobre 1914
Dans la forêt de l’Argonne. A nouveau en première ligne ; mais travaux de retranchement. Sa Majesté la reine célèbre aujourd’hui son anniversaire, pour cette raison musique à midi. En bas, le sifflement des balles et la faim.en arrière la musique. Le soir, à nouveau, en position avancée où nous devons creuser de nouvelles tranchées et recevoir nombreux coups de feu.
11 octobre 1914
Dans la forêt d’Argonne. A 7h, relève de la position 1. Dans le cours de l’après-midi les Minenwerfer s’en vont, nous recevons alors du pain. Aujourd’hui relève du 134ème…et nous ? Enfin, le soir nous partons pour 3 jours à Binarville où nous cantonnons dans une grange.
12 octobre 1914
Binarville. Repos. Matin, distribution de cadeaux. J’ai reçu une chemise, un caleçon, deux cigares, une tablette de chocolat, des pastilles de menthe, du tabac. A minuit, paiement de la solde. A part cela rien de nouveau. Il devrait y avoir quatre semaines de repos.
13 octobre 1914
Binarville. Repos. Matin : revue en tenue de campagne. Bien passé. On dit que l’on a fait à Anvers 42000 prisonniers. Repos jusqu’au 16 octobre. A part cela, rien de nouveau.
14 octobre 1914
Binarville. Repos. Matin : appel. Soir : exercices. Rien de nouveau.
15 octobre 1914
Binarville. Repos. Matin : exercice. Soir : appel. Demain départ pour notre ancienne position dans la forêt d’Argonne.
16 octobre 1914
Binarville. Repos. Ce matin, revue en tenue de campagne. A 14h départ pour la forêt. Arrivée dans l’ancienne position à 16h. On occupe d’abord la position 1, à 19h. On occupe la position 2. Nuit assez calme. Le 17 à 5h30 retour à la position 1.
17 octobre 1914
Dans la forêt d’Argonne. A 7h retour à la position 3. Nous devons balayer et nettoyer les tranchées ; à part cela rien de nouveau. Le soir, suis envoyé en patrouille vers la position ennemie. Je dois voir si l’abatis a des trous, si derrière l’abatis il ya des fils de fer et si la position ennemie ne comprend qu’un groupe. Je reviens de cette mission indemne.
18 octobre 1914
Dans la forêt d’Argonne. 8h. Nous sommes relevés de la position 1. Nous recevons du dépôt 35 hommes. Travaux de tranchée. A 10h du matin se présente un parlementaire français. De notre côté, un officier se rend dans la position ennemie ; nous espérons déjà qu’il y aurait du changement, mais il n’en fût rien. A 16h, les hostilités reprennent. Nous ne savons pas ce que voulait le parlementaire.
19 octobre 1914
Dans la forêt d’Argonne. A 8h, en avant dans la position 1. A 10h nous commençons un feu violent sur l’adversaire parce que le 2ème bataillon doit procéder à une attaque. De même nos lourds se mettent à tirer contre la tranchée qui doit être prise. Les Minenwerfer de gros calibre dirigent également leur feu sur la position. Entre temps, un coup des lourds frappe trop court et tue ou blesse 17 hommes de la 11ème Compagnie. L’attaque réussit en partie.
20 octobre 1914
Dans la forêt de l’Argonne. A 8 heures, relève, retour à la position 1. De 12h à 14h, travaux de retranchement. Sinon rien de nouveau. L’après-midi je fus commandé pour un enterrement ; on enterre six hommes de la 11ème Compagnie, un volontaire de l’artillerie et un pionnier. Le 123ème a établi un beau cimetière forestier. Un aumônier protestant conduisait l’enterrement et ce fût
sublime.
21 octobre 1914
Dans la forêt de l’Argonne. Le matin en position 2 ; à nouveau travaux de tranchées. Aujourd’hui la ville de Verdun doit avoir été bombardée pour la première fois. Le soir, en position 3. Nous recevons la mission de creuser une tranchée tout à fait en avant entre la sape 1 et la sape 9. Je viens avec le 4ème groupe à l’extrême aile droite. Ce n’est pas chose facile de creuser une tranchée à 40 mètres de l’ennemi.
22 octobre 1914
Dans la forêt de l’Argonne. Relève le matin, retour à la position 1 où nous avons un peu de repos. Mais quelle nuit terrible ce fut. Si les ennemis avaient vu quel était notre dessein, nous n’aurions pas réussi certes.
Le 23 octobre, le sous-officier Haussler fut tué dans les bois de la Gruerie.
Source : SHAT