TEMOIGNAGE : Boureuilles, l’histoire se recommence

Boureuilles, évocation historique

 

Boureuilles est célèbre ; les communiqués parlent souvent de cette commune située sur les confins de la forêt de la Gruerie. Nos troupes sont maîtresses de Vienne-le-Château et de tout le terrain situé à l’est d’une ligne allant de ce bourg au Four-de-Paris et ensuite à Boureuilles. A 5 kilomètres de Boureuilles, la route qui conduit à Vienne, croise la Haute-Chevauchée, chemin forestier, ancienne voie romaine qui coupe à angle droit le chemin de Varennes, à 3 kilomètres environ de la lisière orientale de la forêt.

C’est là surtout que se multiplient les attaques allemandes : entre la Haute-Chevauchée et le Four-de-Paris nous occupons de fortes positions, conquises à la sape et à la mine, si heureusement que le kronprinz, qui commande en personne a dû décerner à nos sapeurs une phrase élogieuse probablement sincère.

Entre le bois et l’Aire, nous occupons la ferme de Rochamps ou Bas-Bruat jusqu’à l’Aire. Sur la rive droite, les hauteurs de Bouzemont et la ferme des Allieux sont gardées par nous. Ce dernier point fut autrefois l’emplacement d’un camp romain, où Monsieur le docteur Tranchart, archéologue estimé de Varennes, fit opérer en 1822 des fouilles importantes qui firent apparaître des casques, des boucliers, des francisques, des épées, souvenirs glorieux de nos ancêtres, maintenant conservés dans les musées locaux.

Ces lieux historiques ont vu dans le passé des luttes acharnées entre les envahisseurs du nord et les défenseurs de notre civilisation naissante. Entre les Allieux et la vallée de Montfaucon, par les défilés de la Cigalerie ou de la Cordonnerie, on arriva au bois Chabannes, où se livra, il y a environ quinze siècle, un sanglant combat entre le roi Endes et les Normands ! Ces derniers furent vaincus.

L’histoire se recommence. Les environs de Boureuilles si pittoresques, dominés par le piton de Vauquois et dont les accidents de terrain rejoignent la route de Varennes à Verdun par Esnes, sont en ce moment le théâtre de luttes opiniâtres, dont l’enjeu est la possession des routes de Sainte-Ménéhould à Verdun par Clermont-en-Argonne et de Varennes aux Islettes par le Four-de-Paris.

Autrefois, Boureuilles était un bourg important dont les habitants excellaient dans la porterie et la verrerie. Le Four-de-Paris auquel Boureuilles fournit pendant longtemps d’habiles verriers, avait été fondé par les Seigneurs de la vallée de la Biesme pour y appliquer les nouveaux procédés et les découvertes alors récentes de l’art de la verrerie.

Aujourd’hui, le pays est complètement déserté, à cause des ardentes batailles qui s’y sont déjà dix fois livrées. Entre l’église et le presbytère, les Allemands avaient installé une batterie qu’ils avaient cachée avec des branchages, eux-mêmes recouverts de couronnes funèbres et de croix mortuaires, afin d’en dérober la vue aux aéronautes français. C’est de là qu’ils bombardaient la gare et aussi le village d’Aubréville, sur la ligne de Verdun à Châlons. Repérée par nos avions, la batterie fut enfin détruite. Nous possédons la plus grande partie de la route de Vienne-le-Château à Varennes et Boureuilles, et avant de pouvoir nous installer sérieusement dans ces dernières localités, il nous faut chasser nos adversaires de la zone orientale de la forêt qu’ils occupent au nord et au sud de la route.

Notre progression lente, mais continue et sûre, empêche le Kronprinz et ses hordes barbares d’entamer Verdun ; elle l’en écarte d’avantage, au contraire, de jour en jour en se rapprochant de Vauquois, Varennes et Montfaucon.

 Un Argonnais

 

Source : AD Meuse – Le Bulletin Meusien du 11 mars 1915

 

Commentaires fermés

  • counter for wordpress