15 juillet 1917 : Un coup de main du 341ème Régiment d’Infanterie emmené par le Capitaine CALLIES

Un coup de main du 341ème R.I. emmené par le Capitaine Calliès

 

Source : J. JOUBERT – Récits de Guerre

 

Le Capitaine Callies

Le Capitaine Callies

« Le 15 juillet 1917, à 9h45, les Groupes d’Elite des 5ème et 6ème Bataillons du 341ème Régiment d’Infanterie (48 gradés et, hommes), renforcés de 1 Sergent et 5 sapeurs du génie, et auxquels s’étaient joints 4 volontaires du 255ème Régiment d’artillerie, ont exécuté, sous le commandement du capitaine CALLIES (Sous-lieutenant MUNCK et Sous-lieutenant JEAN, adjoints), un coup de main sur le saillant du Fer à Cheval.

Le groupe d’élite du 4ème bataillon constituait un élément de recueil et de réserve dans la tranchée de départ.»

(Extrait du rapport du Chef de Bataillon BAYLE, commandant provisoirement le 341ème Régiment d’Infanterie)

 

C’était en Argonne, à l’est du Four de Paris, dans le secteur des Sapins.

Le Bataillon se trouvait au repos, cantonné dans le village des Islettes. La perspective de six jours de tranquillité réjouissait les poilus. Certes, ce secteur ne se montrait pas trop agité depuis quelques mois, cependant la première ligne demeurait toujours la première ligne avec la menace constante d’une balle, d’une grenade, d’une torpille ou des gaz. Il y avait surtout la menace de la surprise d’un coup de main et celle de la mine, de la mine qui sautait, s’épanouissait comme un geyser, vous faisant faire deux ou trois pirouettes en l’air, vous écrasant ou vous enterrant vivant dans votre abri qui s’effondrait ! Quand on était là-haut dans la tranchée, on éprouvait une impression d’angoisse, malgré l’habitude, en entendant les pionniers allemands creuser leurs galeries. Dans les gourbis on collait l’oreille aux parois pour mieux percevoir le travail de ces taupes humaines. Parfois c’était le bruit sourd et saccadé des pics et on eût dit des coups de becs dans un cercueil, parfois le vrombissement rageur de la perforeuse. L’ennemi polluait jusqu’aux entrailles de notre sol.

Il y avait des spécialistes du Génie qui s’enfonçaient sous terre pour écouter avec des instruments spéciaux qui amplifiaient les sons et donnaient des directions. On les interrogeait et ils répondaient laconiquement : « Les Boches creusent toujours ». Ou bien : « Ils chargent », ou bien encore : « Ils ont fini de charger, ce sera pour bientôt » « Ils creusent toujours » ! La terre geignait et suffoquait de ce sacrilège. Quand elle se taisait comme évanouie dans sa blessure interne, on savait alors que les fourneaux de la mine se gavaient de mélinite par centaines de kilos.

« Ils chargent ; ils ont fini de charger ! ». On attendait, anxieux, impuissant devant l’inévitable. La mort qui vous fauchait à l’air libre en vous regardant droit dans les yeux n’avait pas cet aspect horrible. Maintenant, comme une gueuse, elle vous prenait par derrière, par en dessous, traîtreusement ; elle devenait une vilenie. Alors l’inquiétude durait parfois plusieurs jours, et pendant tout ce temps, dès l’aurore, les sentinelles évacuaient les petits postes. Tout le monde alerté hors des abris se tenait, pendant quelques heures, dans les tranchées de deuxième ligne, équipé, prêt à combattre. Aux premiers rayons du soleil quand la nature s’éveille dans la brise fraîche et la joie de vivre, certains matins le sol ondulait, grondait puis crachait brusquement des pierres, de la terre, des matériaux divers. Tout cela retombait comme une pluie de lave au milieu de laquelle les piquets ou les madriers tournoyaient ressemblant à de pauvres membres arrachés. Un énorme entonnoir s’ouvrait dans une épaisse fumée. Par les boyaux bombardés de torpilles, on se précipitait pour occuper, les premiers, les lèvres de ce cratère. On échangeait des coups de feu et des grenades avec le Boche ; au moyen de sacs de terre on faisait vivement un barrage. On s’organisait tant bien que mal au milieu des éboulis en attendant la nuit qui permettrait de faire des travaux sérieux et de placer des fils de fer. Il y avait souvent des blessés malgré les précautions prises, parfois des tués surtout quand l’ennemi s’acharnait à occuper l’entonnoir ou profitait de l’explosion pour tenter un coup de main avec des lance-flammes. Il fallait alors livrer un petit combat qui durait des heures.

La loi de la guerre a des rigueurs mais le cauchemar de l’attente, de l’inconnu était fini. Quel soulagement ! Lorsque la relève arrivait, on disait aux camarades : « Vous avez de la chance ! Hier matin on a sauté. Pas grand mal heureusement ! Deux abris ont souffert et la tranchée a été comblée sur cent mètres. On a déblayé comme on a pu, mais il reste encore du travail ». Les nouveaux venus ne répondaient que des phrases aimables sur le moment, mais quand les autres étaient partis ils se récriaient : « Ils n’ont rien fichu dans ce secteur ; tout est à refaire ! C’est dégoûtant ! Nous, nous avons toujours les sales corvées ! ». Puis ils se penchaient vers le sol pour écouter si l’ennemi ne creusait pas une autre mine.

Bien sûr, ce genre de guerre, qui se pratiquait surtout de Vauquois à Reims et qui en Champagne avait creusé des entonnoirs où l’on pouvait dissimuler quatre pièces de canon, semblait presque bénin quand on le comparaît aux opérations du Chemin des Dames ou de Verdun. C’est pour cela d’ailleurs que le secteur d’Argonne, après avoir eu son heure de tragique célébrité en 1915, était considéré, deux ans plus tard, comme un secteur tranquille, où l’on envoyait les troupes éprouvées se refaire.

Donc ce 13 juillet 1917, après six jours passés en tranchées, le bataillon dormait tranquillement dans ses cantonnements, mangeait chaud, tuait ses poux, se rasait et lavait son linge. Puis en prévision de la fête nationale, il écourtait l’exercice quotidien pour préparer une revue, des jeux et des divertissements. En plus des compétitions sportives ordinaires, il devait y avoir des courses en sac et à la chandelle, un mât de cocagne couronné de bouteilles, et divers amusements qui plaisent aux soldats parce qu’ils demeurent de bonnes farces gauloises qui soulèvent un rire franc et jeune. Des corvées préparaient des terrains pour les sauts, d’autres tressaient des guirlandes de feuilles pour orner la rue principale du village. Des musiciens, descendus du ravin des Sapins, répétaient des airs d’opérette et la Madelon pour donner un concert de fantaisie. Les cuisiniers qu’on appelait les « cuistots » se promettaient de confectionner un repas étonnant, chaque cuisine-roulante voulant faire mieux que sa voisine. Le soir, en allant boire un verre au petit café où servaient quelques civiles, les poilus parlaient de la fête en clignant de l’œil. C’était un vrai repos, je vous dis, et qui remettait le moral en place.

Les trois groupes d’élite du régiment se trouvaient là eux aussi. On les appelait ainsi parce qu’ils étaient composés de volontaires qui exécutaient les missions dangereuses. Chacun comprenait une vingtaine d’hommes, vingt gars jeunes et décidés commandés par un officier et des sergents ardents. Ils sortaient presque toutes les nuits en patrouille entre les deux lignes, tendaient des embuscades, allaient écouter ce que l’ennemi disait ou quel travail il effectuait. Une fois tous les deux mois environ, les trois groupes réunis sous le commandement du Capitaine CALLIES, ils se précipitaient, ordinairement en plein jour, sur la tranchée allemande, poussaient jusqu’à la deuxième ou troisième ligne, raflaient tout ce qu’ils trouvaient, détruisaient avec des pétards de cheddite ce qu’ils ne pouvaient pas ramener et vous faisaient des prisonniers comme on cueille des pommes.

Quatre fois sur cinq l’opération ne durait même pas dix minutes et ne coûtait aucune perte. Le Capitaine CALLIES la préparait toujours avec soin et méthode, ce qui en assurait le succès. Il avait vingt ans, une figure rose et des cheveux blonds mais déjà la croix et de nombreuses palmes gagnées pendant presque trois ans dans l’infanterie. Son regard direct, sa compréhension parfaite des situations tactiques, la connaissance de ses soldats, sa bravoure admirable, son sang-froid, sa conscience profonde du devoir, sa simplicité, tout en lui marquait le chef, le chef dont l’autorité rayonnait et inspirait confiance. En effet, ses officiers et ses hommes, aussi ses supérieurs, tous croyaient en lui.

Ce 13 juillet, vers 10 heures, alors que la préparation de la fête battait son plein, le capitaine CALLIES reçut un pli du colonel qui lui donnait l’ordre de venir immédiatement poste de commandement du ravin des Sapins. Il s’agissait de préparer un coup de main. Le Général de Division avait besoin de renseignements précis, donc de prisonniers dans les 48 heures. Le Capitaine partit avec le sous-lieutenant MUNCK ; le sous-lieutenant JEAN devait amener les hommes en lignes à la tombée de la nuit. Alors les guirlandes et le terrain des sports furent abandonnés, sans trop de regret, et chacun prépara son sac. Les volontaires étaient toujours contents d’exécuter un coup de main, cela représentait pour eux de l’action violente, une partie à jouer avec le danger, un saut dans l’inconnu, en un mot une aventure, et la jeunesse aime l’aventure. Ils savaient que tout se passerait bien, comme d’habitude, qu’ils auraient peut-être une citation et deux jours de permission supplémentaires. Puis, ils ne faisaient pas comme les autres…

Après la soupe du soir, les trois groupes dirent au revoir aux hommes du bataillon, prirent la route du nord que bordait un petit ruisseau, traversèrent la voie ferrée, le village, puis après deux kilomètres environ obliquèrent à droite. Ils venaient de laisser la perspective du Four de Paris avec son dos voûté et nu, et suivaient maintenant un chemin encaissé au milieu des arbres, des sapins vert-sombre qui avaient donné au lieu leur nom. De temps en temps ils rencontraient des trous d’obus, des branches cassées ou de longs troncs noirs abattus, mais le paysage dégageait malgré ces indices de guerre une impression de tranquillité.

Le Capitaine CALLIES avait passé l’après-midi aux petits postes ou dans les observatoires pour examiner aux jumelles la trachée ennemie et choisir le point où se ferait le coup de main. Il attendait ses groupes au Poste de Commandement du Colonel. Il fit distribuer des outils, des perches, des madriers et, sous bois, grimpant par un sentier, conduisit ses hommes jusqu’à un endroit bien abrité des vues où ils pourraient creuser un peu. Ils devaient esquisser le tracé de l’organisation allemande qu’ils allaient visiter, afin de répéter la petite opération avant de l’exécuter réellement.

Une grande partie de la nuit, on décapa le sol, enlevant la mousse par paquets. Ainsi, l’on dessina des tranchées, des boyaux, des petits postes. Une bande d’étoffe représenta la ligne française.

– En voila d’une revue du 14 juillet, disaient les poilus !

Et ils travaillaient avec ardeur tout en plaisantant.

Après quelques heures de sommeil, on fit la première répétition. Le groupe du sous-lieutenant MUNCK serait à droite, celui du sous-lieutenant JEAN à gauche. Le 3ème groupe resterait en soutien, car justement le sous-lieutenant TERRIER qui le commandait d’habitude, se trouvait en permission ainsi que plusieurs gradés et hommes. Dans les deux groupes qui devaient agir, chacun eut sa place, sa mission particulière ; celui-ci ferait sauter tel abri ; celui-là pousserait jusqu’à tel embranchement pour lancer des grenades incendiaires afin de barrer la route à une contre-attaque ; certains s’occuperaient des prisonniers ; d’autres cisailleraient les fils de fer pour préparer le chemin du retour. Tout était prévu comme dans un mécanisme d’horlogerie.

Dans la journée, on fit ainsi quatre répétitions. On confectionna des échelles pour pouvoir sortir de la tranchée facilement. On s’entendit avec l’Artillerie qui devait tirer tout autour du point où l’on attaquerait, pour le mettre dans une sorte de cage d’obus. Le soir, les officiers avec quelques hommes préparèrent des brèches dans les fils de fer devant les petits postes français afin de pouvoir franchir le réseau sans difficulté. Il fallait agir avec précaution pour que l’ennemi n’entendît rien, ne remarquât rien d’anormal, car il se trouvait à vingt mètres à peine. Ainsi, pour les groupes d’élite du 341ème Régiment d’Infanterie, se passa le 14 juillet 1917.

Le 15, dès 9 heures, les hommes en colonne se glissèrent dans la tranchée française, révolver au poing, deux grenades dans les poches et attendirent, assis le dos à la paroi. Ils étaient prêts, calmes et résolus, sérieux, deux ou trois seulement sentaient leur cœur battre plus fort que d’habitude mais cela était nerveux. Le secteur demeurait silencieux ; aucun coup de fusil, aucun coup de canon. Le soleil dorait le contour des choses et mettait à vif la grande plaie de la terre, qui paraissait plus blanche. Les officiers regardaient leur montre et la petite aiguille qui tournait les secondes semblait bien lente. A 9h35, 9h40, 9h44.

– Attention ! Préparez-vous ! Cet ordre rebondit de bouche en bouche, à voix basse.

9h45 ! Une salve de quatre obus de 75 gronde vers l’arrière, siffle au-dessus des têtes et vient s’écraser sur la tranchée allemande. C’est le signal du départ. Les poilus surgissent, rejettent les chevaux de frise, se précipitent sur la ligne ennemie. Ils se heurtent à un réseau de fil de fer intact épais de quatre mètres, haut de deux. Ils sautent dedans, s’y enfoncent, enjambent, escaladent. Les barbelés s’accrochent à leurs jambes, à leurs manches, déchirent leurs effets. Les poilus ont les mains en sang, tirent à droite, à gauche, se débattent comme des lions tombés dans un piège, finissent pa franchir l’obstacle et les voilà sur le bord de la tranchée. Ils la trouvent à demi-comblée, pleine de débris de fil de fer. Cela n’était pas prévu ! Qu’importe ?…

– Allez ! en avant, crie le sous-lieutenant Jean !

Ses hommes le suivent, sautent par-dessus la tranchée, courent jusqu’au boyau, traversent la deuxième ligne où ils ne voient personne, parviennent jusqu’à la troisième, y descendent. Notre tir d’artillerie fait rage, nos mitrailleuses crépitent. Les Allemands répondent de la même façon, mais les soldats d’élite n’entendent pas le vacarme. Ils reçoivent des grenades, des coups de fusil, mais ils n’y prennent garde : ils cherchent à faire des prisonniers.
Les tranchées semblent vides. Les sentinelles ont dû fuir vers l’arrière. Il faut aller les chercher dans leur repaire. Voici un boyau à gauche !

– SAVELIN, ordonne l’officier à un sergent, prenez par là jusqu’à trente mètres et lancez une grenade incendiaire. MICHAUT, poussez à droite avec NOURRY et TRUC, mais restez en liaison avec moi.

En un clin d’œil, ces ordres sont donnés, la décision est prise. Il faut se garder sur les côtés pour pouvoir agir en avant.

Voici des abris ! Vides !… Le sous-lieutenant a fait signe à BRUNNENSTEIN, un Alsacien très grave qui ne le quitte jamais, pour qu’il jette des pétards. Mais les poilus vont-ils trouver des hommes ?… Ils avancent, fouillent et fouillent encore. Tout à coup, des bales se fichent en terre près de leur tête ; deux Allemands les guettent derrière un pare-éclats, tirent, lancent de grenades. Ah ! Enfin ! …On fonce sur eux ; ils se dérobent. On les rattrape ; ils se défendent avec acharnement dans une lutte corps à corps, mais on les mate. NOEL et PERSIDAT sont chargés de les emmener vers la tranchée française. Cependant, l’un des deux Boches est blessé si grièvement que bientôt il s’écroule en râlant. On le laisse là où il tombe. C’est un paysan d’une trentaine d’années, maigre et blond. L’officier er quelques poilus fouillent encore vivement la ligne ennemie, puis reviennent sur leurs pas. Il faut rentrer. Le Capitaine, qui est debout sur le parapet, en a donné l’ordre.

Tandis que ceci se passe au groupe de gauche, celui de droite se trouve aux prises avec de grandes difficultés, car une mitrailleuse allemande que l’on ignorait, par conséquent qui n’est pas mise en échec par notre artillerie ou nos mitrailleuses, le prend de flanc et balaye les tranchées qu’il doit parcourir. Cependant, il va de l’avant, parvient à s’infiltrer dans un boyau, fouille un abri, suit une tranchée. Brusquement, il est tiré à bout portant par deux sentinelles qui se dissimulent derrière une porte blindée munie de créneaux. Le Sous-lieutenant MUNCK monte alors sur le terre-plein, s’avance au-dessus de la porte, menace de son révolver les deux Allemands qui lèvent les mains et disent avec terreur : « Kamerad, pas Kapout ! » et se rendent.

A ce moment, l’officier est blessé à la cuisse d’une balle, un éclat de grenade effleure son front. Il redescend dans un boyau et après avoir fait sauter deux abris, donne le signal de repli. C’est fini. On a des prisonniers. On peut rentrer. Tout à coup, le caporal FEVRE s’affaisse. Une balle en pleine poitrine l’a tué net. MUNCK et deux hommes prennent le corps pour le ramener. Ils sont en deuxième ligne ennemie, ils ont plus de deux cents mètres à parcourir sous le feu en portant leur fardeau. Avec peine, se hâtant autant qu’ils peuvent, ils parviennent jusqu’à la première ligne, mais ils trébuchent dans les fils de fer barbelés où les effets du cadavre s’agrippent. Ils essaient de le dégager, de l’emporter coûte que coûte, et tandis qu’ils s’efforcent, la mitrailleuse ennemie insoupçonnée règle son tir sur ce groupe d’hommes attardés. MUNCK est de nouveau grièvement blessé à la tête, le soldat BOUZIN reçoit une balle dans le ventre, le caporal WAGNER une balle à l’épaule. Il faut abandonner FEVRE !…

Les groupes sont rentrés, le Capitaine CALLIES et le Sous-lieutenant JEAN les derniers. Les hommes en sueur se pressent dans les boyaux bombardés violemment et se dirigent vers le poste de commandement des Sapins où les attend le Général de Brigade. Le Capitaine, très calme, s’assure alors qu’il n’y a plus personne derrière lui et lance une fusée verte pour avertir notre artillerie que le coup de main est terminé. L’opération a duré en tout onze minutes.

On est tombé sur le dur, disent les poilus avec cet air de satisfaction qu’ont les gens qui viennent de vaincre des difficultés.

– Ca ne fait rien, on en a !

En effet, trois Allemands sont là, prisonniers, et déjà un officier les interroge. Ce sont des hommes râblés, aux épaules carrées, sans doute des paysans. Blonds, rasés, ils paraissent jeunes malgré les marques de la fatigue et des privations creusées sur leur visage. Ils répondent tranquillement, dans une attitude correcte, aux questions qu’on leur pose. Parfois, ils regardent autour d’eux avec étonnement, esquissant un vague sourire vers leurs vainqueurs. Et les poilus les examinent comme si ces ennemis étaient des animaux sauvages, extraordinaires, rendus inoffensifs par la captivité.

Maintenant, dans les groupes, on entend fuser des lazzis et des rires nerveux. Chacun explique ce qu’il a fait, ce qu’il a vu ; beaucoup parlent avec volubilité. Mais, bientôt, tous les yeux s’assombrissent quand on sait qu’il y a trois blessés, que FEVRE a été tué et abandonné chez l’ennemi…

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JMO DU 31ème Corps d’Armée

15 juillet 1917
I- Physionomie générale des 24 heures
En Argonne, nous avons exécuté un coup de main dans la région de Bolante (3 prisonniers du 12ème Régiment Bavarois).
Sur la rive droite de l’Aire, assez grande activité des artilleries et de l’aviation
II- Infanterie
a) Française
Argonne – Quelques obus Brandt sur l’Ouvrage de Milan.
A 9h45 un groupe du 341ème a exécuté un coup de main sur l’Ouvrage du Fer à Cheval. Nos éléments ont pénétré dans les tranchées ennemies, détruit des entrées de mines et d’abris et ramené 3 prisonniers du 12ème Régiment Bavarois (2ème D.I.).
Nos pertes ont été de 1 tué et de 4 blessés légers dont le Sous-Lieutenant MUNCK
Rive droite de l’Aire – Patrouilles habituelles. Tirs de mitrailleuses contre avions.
b) Allemande
Argonne – Coups de feu sur nos guetteurs. Rafales de mitrailleuses sur le ravin de la Fause-Cheppe.
Rive droite de l’Aire – Coups de feu isolés sur nos lignes.

III- Artillerie
a) Française
Tirs de harcèlement sur la gare d’Osson et le camp Bismarck (Ordre du Commandant de Groupe). Tirs sur minenwerfer de l’Ouvrage de Venise et de la tranchée Erfurt (Ordre du Commandant de Groupe)
Entretien des destructions des batteries ennemies de la région du bois de Cheppy et du bois de Montfaucon (Ordre des Commandants de Groupe). Tir de 240 LT sur la tranchée de Raguse (Ordre de l’I.D.). Tirs de contrebatterie par ALL.
b) Allemande
Quelques obus sur Maugis, la Fille-Morte et le Cap.
Une trentaine de grosses torpilles sur la région des Courtes-Chausses.
A la suite du coup de main, réaction assez violente de l’Artillerie ennemie sur la Fille-Morte.
Nombreux obus de tous calibres sur les secteurs de la Maize et du Hermont.
Bombardement des observatoires du Hermont.
A 23h tir sur notre ravitaillement dans le ravin de la Buanthe.
Minen sur Vauquois.

IV- Aviation
Très active de part et d’autre

V- Mines
A 13 heures, camouflet français sous-secteur de la Chalade.
Un camouflet français à Vauquois

VI- Pertes
64ème D.I. : 2 blessés
65ème D.I. : 1 officier blessé (1), 1 tué, 3 blessés (2)
A.L. : 2 tués, 7 blessés
Total : 1 officier blessé, 3 tués, 12 blessés.
(1) Sous-Lieutenant MAIGROT du 341ème Régiment d’Infanterie
(2) Dont Sous-lieutenant MUNCK du 341ème Régiment d’Infanterie

 

JMO de la 65ème D.I.

15 juillet 1917

QG Les Vignettes
A 9h45 coup de main français à Bolante. Nous avons pénétré dans les lignes allemandes jusqu’à la tranchée de soutien. Nous avons détruit des entrées de mines et d’abris ramené trois prisonniers du 12ème Régiment actif Bavarois (2ème Division d’Infanterie Bavaroise). Réaction tardive et violent exécutée sur la Fille Morte, contrebattue et arrêtée au bout d’une demi-heure.

Compte-rendu des événements (pièce n°6195)
Prescriptions de détails du 341ème R.I. (pièce n°6196)
Ordre de tir de l’AD/65 (pièce n°6197)
Ordre de tir de l’AL (pièce n°6198)
Rapport du 341ème (pièce n°6199)
Rapport du génie (pièce n°6200)
Renforcement du barrage devant les Merliers.
Note de Service de l’A.D. (pièce n°6201)
Ordre de tir de l’A.D./65 (pièce n°6202)

JMO du 311ème R.I.

15 juillet 1917

A 4h un camouflet ennemi explose dans la direction du P.G.3 sans causer de dégâts.
A la suite d’un coup de main exécuté par le Régiment de gauche R3 à 9h45, une très vive réaction a lieu sur le secteur tenu par le 311ème R.I. qui est soumis à un violent bombardement d’artillerie et d’engins de tranchées. 1 tué et deux blessés dont un très grièvement au P.C. du Chef de Bataillon d’A.P.

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Le Lieutenant Calliès dans le Tableau d’Honneur de l’Illustration

Le Lieutenant Calliès

Le Lieutenant Calliès

Jeune officier (Saint-Cyr 1914) d’une crânerie et d’un sang-froid remarquable. A le feu sacré.

Le 25 juin 1916, au X…, avec deux grenadiers, a nettoyé un élément de tranchée dans lequel l’ennemi venait de prendre pied. Blessé à la main, est resté à la tête de sa section dont il a par son exemple maintenu le moral intact sous un bombardement intense de cinq jours et cinq nuits, infligeant des pertes sanglantes à l’adversaire par des luttes incessantes à la grenade, combattant de sa personne au premier rang. Sur le front depuis le début.

Jeune officier d’une bravoure admirable, d’un sang-froid et d’un jugement remarquables.

Le 8 février 1917 a parfaitement organisé et brillamment exécuté un coup de main audacieux ; à la tête d’un groupe de volontaires, a pénétré dans une tranchée allemande, mis en fuite une partie des défenseurs et capturé 12 prisonniers. N’a personnellement quitté la tranchée qu’après s’être assuré en la parcourant qu’il ne laissait aucun de ses hommes entre les mains de l’ennemi. Déjà trois fois cité à l’ordre.

Le 11 mai 1917, à la tête des trois groupes d’élite du régiment, a brillamment organisé et exécuté un audacieux coup de main sur les tranchées allemandes qui a coûté à l’ennemi une vingtaine d’hommes tués sur place et 7 prisonniers ramenés dans nos lignes, sans aucune perte pour nous malgré la résistance de l’ennemi.

Chargé de diriger un coup de main le 15 juillet 1917, a brillamment entraîné à l’attaque un détachement qui, franchissant de solides défenses, a poussé fort avant dans les tranchées ennemies, a ramené des prisonniers et fait sauter des entrées de mines allemandes.

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Un futur Général d’Armée

Le Général Calliès

Jean Callies est né au Relecq-Kerhuon le 7 août 1896. Son père était officier d’active. Il fait ses études au lycée de Nîmes (lycée où Raoul Salan a également fait ses études) et entre à Saint-Cyr en août 1914 (promotion de la Grande Revanche). Il fait la guerre de 1914-1918 dans l’infanterie et la termine comme lieutenant. Capitaine dès 1919, il est, dans les années 1920, des campagnes du Levant et du Rif. Dans les années 30, il alterne les séjours en France
et au Maroc. En juin 1940, il est chef d’état-major de la VIIIe armée (général Laure). Après l’armistice, il est muté au Maroc, à la tête du 8ème régiment de tirailleurs marocains. C’est lui qui est chargé de créer, fin 1942, le Centre d’Instruction des Elèves Officiers de Cherchell.
Il prend part par la suite aux campagnes de Tunisie, d’Italie, de France et d’Allemagne. En 1944, général de brigade, il commande l’infanterie de la 2ème division d’infanterie marocaine, puis en 1945, la 1ère division d’infanterie. Après divers commandement en France et en Allemagne, le général de corps d’armée Callies commande la 10ème région militaire (Algérie) de 1950 à 1954. Général d’armée en 1954, il est nommé inspecteur des forces terrestres, maritimes et aériennes d’Afrique du Nord en septembre 1954, poste qu’il conserve jusqu’en
1957, date de son passage en 2ème section.
Mort en 1986, le général Callies était grand-Croix de la Légion d’honneur, et titulaire de la médaille militaire, des croix de guerre 14-18, 39-45 et des T.O.E. et d’un total de 21 citations. En 1988, une promotion de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr prendra son nom.

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