LES COMBATS : Le 2ème C.A. en Argonne (1914)
Le 2ème Corps en Argonne
En Argonne, la lutte va atteindre un degré d’acuité extrême. L’impraticabilité des taillis, les coupures profondes des ravins et la nature argileuse du sol rendent cette région d’un parcours très difficile. L’attaque par surprise pour la prise d’une tranchée est une opération aisée à exécuter ; par contre, les actions à grande envergure y sont à peu près impossibles et l’exploitation d’un premier succès y est très malaisée. Les troupes sont amenées à pied d’œuvre sans crainte de la découverte aérienne et de l’observation terrestre et l’assaillant est rejeté de la tranchée conquise aussi vite qu’il s’en est emparé.
La ligne tourmentée de notre front dans cette région était le résultat des combats partiels qui s’étaient déroulés en septembre et en octobre. Mal appuyée à certains points où l’on avait cherché à créer des centres de résistance, comme Bagatelle-Pavillon et à Saint Hubert, elle était loin d’être continue et était constituée surtout par des éléments de tranchées pour petites fractions creusés avec peine dans un terrain difficile à travailler. Jusqu’au début de novembre, le taillis feuillu avait permis de gagner les postes avancés sans boyaux, mais après la chute des feuilles, l’accès de la première ligne devenait hasardeux et on fut alors obligé d’organiser la continuité de la ligne.
Le 13 novembre, le Général de Langle prescrivait, au Général Gérard commandant le 2ème corps, de renforcer partout d’extrême urgence sa première ligne qui était très insuffisante. Le seul travail exécuté méthodiquement avait porté sur une deuxième ligne que son éloignement de la première faisait considérer comme une position de repli tout à fait distincte. Le Général Gérard prescrivit alors d’améliorer la première ligne par tous les moyens possibles, de la doubler par une seconde ligne continue plus rapprochée, en arrière de laquelle seraient organisés de solides barrages qui deviendraient l’amorce d’une troisième ligne.
Le 24 novembre, le commandant de l’armée demanda au général en chef deux Compagnies du Génie supplémentaires pour le 2ème corps, et le 28 il mit à disposition du Général Gérard deux bataillons du corps colonial pour lui constituer une réserve.
Les travaux furent poursuivis sans interruption. Le nombre des travailleurs fut augmenté par suite de la nouvelle organisation du Génie dotant chaque Division de deux Compagnies de cette arme et par l’affectation temporaire au 2ème corps d’une Compagnie de pontonniers et de deux Compagnies du Génie du corps colonial.
Enfin, le 3 décembre, le Général de Langle approuva le projet du Commandant du 2ème Corps d’établir une ligne d’appui et mit dans ce but, à sa disposition, deux Bataillons et une Compagnie de travailleurs territoriaux.
Le renforcement des lignes de défense du 2éme Corps avait été d’autant plus nécessaire que l’ennemi avait lancé en Argonne de violentes attaques dans le courant du mois de novembre. La mission du 2ème corps consistait à tenir à tout prix et à profiter des occasions qui se présentaient pour tenter de faire évacuer à l’ennemi quelques-unes des positions qu’il occupait. Mais il eut plus souvent à résister qu’à attaquer. Il tenta cependant une opération offensive pour réduire le saillant ennemi du Four de Paris. Elle devait être précédée d’une action préliminaire ayant pour but de s’établir à peu près sur la ligne de crêtes séparant le ruisseau de la Fontaine du Mortier du ruisseau des Meurissons, ligne d’où partiraient les sapes. Cette opération tentée le 7 novembre, échoua.
A partir de ce moment, nous sommes constamment attaqués.
Le 7 Novembre, le jour même de notre opération au nord du Four de Paris, nous abandonnons le plateau de Servon sous la poussée de l’ennemi. Nos contre-attaques du 8 et du 10 ne nous permettent de reconquérir qu’une partie du terrain perdu. Le Général de Langle renforce alors le 2ème Corps avec la première Brigade coloniale maintenue jusqu’alors en réserve d’armée et insiste auprès du Général GERARD sur l’importance qu’il attache à la possession du mamelon de la cote 176 (3 kilomètres 500 à l’est de Servon). Il attire à ce propos l’attention des corps d’armée sur la nécessité de conserver le terrain acquis.
Du 13 au 16, les assauts ennemis se multiplient et font craindre la rupture de nos lignes à la Gruerie et au ravin du Mortier. Le Commandant de l’armée prescrit de renforcer d’extrême urgence les tranchées et d’y diriger les compagnies du génie nécessaires. Le 15 novembre, il approuve la décision du Général GERARD d’employer en totalité les compagnies du génie et les territoriaux ; « il y a en effet urgence, écrit-il, à réaliser enfin une organisation solide qui permette d’économiser forces physiques et effectifs ». Le 17, l’ennemi attaque à nouveau ; nous perdons des tranchées entre Saint-Hubert et le Four de Paris. Nous en reprenons une grande partie le lendemain et jours suivants.
Jusqu’à la fin de novembre, la lutte est ininterrompue particulièrement dans le bois de la Gruerie, devant Saint-Hubert et au nord du Four de Paris. Le général en chef, en vue de coordonner les opérations en Argonne fait alors passer la 10ème Division sous les ordres du général GERARD qui modifie en conséquence la répartition des secteurs sur son front et en attribue un à la brigade coloniale.
Au début de décembre, l’ennemi continue ses attaques. Le 1er, il s’empare du saillant sud-ouest du bois de la Gruerie.
Le 4, il fait fléchir notre front vers Fontaine-aux-Charmes. La fatigue de nos troupes est telle que le général de LANGLE envoie au 2ème Corps, deux régiments du 17ème Corps pour remplacer les unités surmenées. Les jours suivants, des combats ont lieu, avec alternatives diverses, vers Saint-Hubert et Bagatelle. Le 17, l’ennemi attaque avec une rigueur particulière au nord du Four de Paris, et franchit le ravin du Mortier. Notre ligne se rétablit sur le versant nord, entre Saint-Hubert et le Four de Paris ; nos pertes sont lourdes. Le commandant de la 4ème Division organise un barrage aussi solide que possible, allant de Saint-Hubert jusqu’à 500 mètres au nord du Four de Paris et laissant l’ennemi dans le fond du ravin du Mortier où il est vigoureusement canonné. Le général GERARD demande un nouveau renfort de 1000 hommes. Il fait placer en réserve toutes les troupes actives de la 4ème division et ordonne de se préparer à une lutte pied à pied. Les 3ème et 10ème divisions entreprendront, comme diversion, des travaux actifs de sapes et de mines. « C’est malheureusement, écrit le commandant du 2ème corps au général de Langle, tout ce qu’il est possible de faire au point de vue offensif ».
En rendant compte de ces événements au général en chef, le commandant de l’armée lui fait part des préoccupations que lui cause la situation du 2ème corps et des difficultés qu’il éprouve à le renforcer. Le 20 décembre cependant, il peut encore mettre à sa disposition le 4ème régiment étranger, affecté quelques jours auparavant à la IVème armée.
Grâce à ces renforcements successifs, le 2ème corps, bien que souvent ébranlé, a maintenu sensiblement son front et pourra résister encore quelques semaines lorsque la IVème armée reprendra l’offensive. Il ne sera retiré du front qu’au milieu de janvier et il faudra le mettre au repos pour le reconstituer.
Source : Les Armées Françaises dans la Grande Guerrre
Tome II – 2ème Partie – Chapitre III